Un résumé intrigant (qui ne dit pas grand chose sur les 680 pages qui nous attendent cependant), une illustration de couverture plutôt accrocheuse... Et nous voilà dans
Sandremonde.
Je vous en épargne le résumé, vous le trouverez sans peine ailleurs. Je passe directement à mon avis éclairé, puisque c'est pour ça que vous êtes là (pas forcément pour le mien... Je ne suis pas mégalo à ce point ^^)
Autant le dire, l'histoire est un peu longue à se mettre en place. Il aura fallu 150-180 pages pour que les premières pierres de cet univers qu'on nous balance (dans la tronche) arrivent à s'agencer correctement et pour que l'on commence à savoir où on est et dans quelle direction part le récit.
Car justement, au début, c'est pas très clair. L'univers bâti par
Jean-Luc Deparis est original, travaillé et complexe. Aussi, au départ quand il s'entête à utiliser divers adjectifs pour décrire les personnages sans en expliquer la signification... C'est un peu chiant, pour le lecteur de se dire qu'il va falloir se trimballer des termes qui reviennent tout le temps sans savoir ce qu'ils veulent dire.
Car c'est bien beau au départ de nous balancer que untel est un Kerriden, untel un Chapelain... Mais si tu n'a pas déjà lu ce livre pour découvrir l'univers de
Jean-Luc Deparis, tu ne risques pas de deviner...
Bref, un commencement laborieux. Qui pose néanmoins des bases intéressantes : le système de Chapelles-fiefs, l'Eglise d'Iridis, les moines-soldats, et ces fameux Shaël-Faars que tout le monde connaît mais que personne n'a jamais vu. D'ailleurs ceux qui en parlent subissent le courroux des prélats sans raison apparente...
Intrigant.
On suit donc les débuts de notre héroïne, Elyz-Ana dans
Sandremonde, elle qui n'a pas l'apparence classiques des habitants du cru, et qui ne se souvient de rien.
Elle croisera ici où là quelques personnages d'intérêt, dont il est à regretter qu'ils n'aient pas été plus utilisés pour l'histoire : le chevalier de Guelemer, le Czar de Malestan, le Seigneur de Trago (Traorgt ? J'ai oublié l'orthographe), Qurgong, et sans doute d'autres.
Car assez vite, une fois l'univers installé (de façon encore assez bancale, mais installé quand même), on se retrouve avec pour seul personnage principal Elyz-Ana.
Certes c'est agréable de suivre ses pérégrinations, mais étant donné que c'est le personnage principal, et qu'elle est assez unique en son genre, on se doute qu'il ne lui arrivera rien. Oui, on n'est jamais vraiment inquiet pour elle. Et c'est dommage pour un roman d'aventure, de voir son héroïne traverser des épreuves sans réel risque.
A vaincre sans péril on triomphe sans gloire (comme dirait l'autre)...
C'est vraiment dommage car l'histoire est originale (je le répète), et sympathique. Il y a de nombreux points qui auraient mérité des développements plus poussés : l'Eglise déjà, sa hiérarchie, les bornes-frontières, la foi en Isidis qui n'a pas l'air vraiment d'être appréciée par les gens, et qui la remettent en question au moindre souci (pourquoi ?)...
Rapidement, quand les cavaliers noirs arrivent également, on sent que la teneur du récit change...
A ce moment là de l'histoire, on découvrira plus de choses sur la cosmogonie de
Sandremonde, sa mythologie, ses légendes, certains des us et coutumes
notamment chez les Boréens , et c'est vraiment agréable et rafraîchissant
de se plonger dans leurs croyances chtoniennes originales où l'inframonde côtoie le monde réel...
On prend plaisir à voir les premiers pas d'Elyz-Ana parmi son peuple et découvrir son mode de vie. On prend aussi plaisir aux descriptions du monde au nord des monts Sombredor, c'est grandiose, original, riche en magie et en ruines.
Par contre on ne comprend pas ce parti pris par l'auteur de ne développer aucun autre personnage qu'Elyz-Ana.
Un roman mono-personnage c'est sympa, mais sur 680 pages, c'est un peu maigre. D'autant que Elyz-Ana doit justement parcourir ses terres du nord en long en large et en travers, subir les mises à l'épreuve sans surprises (pour le lecteur en tout cas), se plonger et se replonger dans l'inframonde (c'est dangereux lui dit-on, mais pourtant elle ira plus souvent qu'à son tour...)
Bref, on ne tremble pas pour elle. Elle se dégotte d'ailleurs des alliés dans l'inframonde, chez les anciens dieux, elle va cumuler les reliques magiques comme personne, devenir maîtresse de ses objets et de leur pouvoir en un claquement de doigts, donc c'est tant mieux pour son peuple.
Ce peuple qui est décimé, qui fût décimé, qui est encore décimé, mais jamais personne ne s'inquiète de savoir qui a survécu, on dirait qu'ils n'ont pas de potes, pas de famille. Ils ne sont jamais inquiet de savoir si des femmes on survécu, parce que c'est bien beau une armée qui sort de sous terre, mais l'ambiance foire à la saucisse, c'est pas ça qui va relancer une civilisation...
Quelques petits trucs sont donc dérangeants dans leur façon de ne se préoccuper de rien à part botter le cul de l'ennemi. Certes c'est cool, mais ça sert à quoi si tout le monde est mort ?
D'ailleurs, Isidis les a balayés il y a une éternité, pourquoi ne le referait-elle pas ? Jamais ils n'y pensent, jamais on ne se pose la question.
Jamais l'Eglise n'envisage ça non plus d'ailleurs, les couillons. Il paraît que c'était dangereux blablabla, certes, mais bon, ils l'ont fait une fois, on nous explique pas vraiment pourquoi ça les a traumatisés...
Et puis finalement, la quête pour le Golmérian arrive à son terme, et on est déçu. Car c'était facile. Car c'était rapide. Car on savait que quand ils reviendraient les tarés d'inquisiteurs auraient mis leur terre à feu et à sang. Il fallait être con pour ne pas l'envisager quand même...
Bref, un roman plein de qualités, notamment son univers original. Mais qui manque cruellement de personnages (principaux et/ou secondaires) pour épauler son héroïne. Et pour faire penser au lecteur qu'elle court un risque, au moins parfois.
Son côté balèze qui surmonte l'adversité, qui devient l'élue, gavée de pouvoirs mystiques est un peu troublant, d'autant qu'elle semblait vouloir refuser ce rôle...
Et un final qui arrive comme un cheveu sur la soupe. Arrivé à ce niveau dans le roman, il n'y a plus de surprise, plus de suspense. Néanmoins la fin est abrupte, et mal décrite aussi.
Et de nombreux points auraient gagné à être approfondis : comme ce Seigner de Traggo plein d'une duplicité fort intéressante, qui aurait pu servir l'histoire, comme les dieux de ce peuple agriculteur dont j'ai oublié le nom, comme les Cron-Yr-Brag, comme Isidis dont tout le monde parle mais dont on ne sait finalement rien, à part qu'elle a une Eglise...
En bref : passé les 100 premières pages c'est agréable à lire. Des aventures originales dans un univers qui ne l'est pas moins, mais sans grand frisson.