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Critique de morganex


Arles, en plein tourisme d'été, sous une canicule qui étouffe, assomme nuit et jour depuis deux mois.

Sortez les bières fraîches, passez sous la douche froide, les nuits sont moites, les auréoles sous les bras, la sueur le long des dos. Oubliez l'hiver, la fournaise règne, la ville chauffe, les esprits aussi.

Ludovic et Louise, un jeune couple dans un petit appart du centre-ville, fenêtres ouvertes sur la nuit qui bout.

Une vieille dame est morte il y a peu dans l'appartement voisin, on l'a retrouvée longtemps après: ses chats ont fait bamboche.

Lui, Ludovic, trentenaire bien avancé, agent de voie ferrée SNCF. Elle, Louise, infirmière aux Urgences (elle va en raconter de belles..!).

De nouveaux voisins se sont installés dans le F3 désormais vide du palier d'étage; il a été lessivé, récuré, désinfecté, désodorisé. Il est comme neuf mais Ludo y sent encore l'Odeur.

Ludo et Louise. Tout pour être heureux. Si ce n'est que...
Leur relation conjugale s'est érodée au fil des ans sous la pression d'une routine quotidienne qui rogne l'élan amoureux. Leur passion commune d'antan s'est rétrécie comme peau de chagrin de plus en plus étriquée. Les jours heureux des premiers temps: un déjà lointain souvenir. le ronron monotone des jours qui défilent a émoussé le désir, rogné le plaisir des tendres et complices instants partagés.
Rien ne se crée, rien ne meurt (et encore, va savoir..!), tout se transforme.

Ludo et Louise. Presque un vieux couple, l'un lassé de l'autre, agacé par ses petits travers jadis perçus comme charmants, et dorénavant jugés presque rédhibitoires.
La rupture n'est pas loin, le lien fragile ne demande qu'à casser. Un noeud s'est dénoué, celui d'une vieille idylle qui se délite peu à peu.

Arles, canicule aidant est en surchauffe; deux coeurs presque en froid s'espèrent encore mais ne se cherchent plus. L'amour s'est envolé sur les ailes d'un mistral brûlant.

Il suffirait d'une tierce personne, d'un espoir de paradis retrouvé pour que tout éclate. Que passe un jupon et Ludo se sent prêt à toutes les folies pour qu'enfin tout soit à reprendre à zéro, à espérer, à vivre à pleines dents. Une nouvelle vie, un horizon tout neuf, vierge, à reconstruire.

Tiens, prenez Aline, par exemple, cette belle fleur brune vénéneuse et peu farouche qui affleure soudain à la périphérie de la vie de Ludo, comme une tentation faite chair, comme une promesse de renouveau. Il ne lui suffirait que de vouloir pour qu'elle ne soit pas un mirage inaccessible. Tant pis pour Louise..!

Rôde le souvenir de la vieille morte parmi ses chats,. Qui sont ces nouveaux locataires qui ne savent pas ... du moins pas encore ?

Ecrit comme çà, le scénario dépeint n'est pas de première fraîcheur. le trio amoureux infernal classique est t'il une nouvelle fois mis à contribution...? Oui et non. Nicolas Derder y met de la peinture toute neuve, de celle qui cache les fêlures de l'âme et masque les précipices psychologiques. du "Nous Deux" ce roman? de la chamallow-romance ? Vous n'y êtes pas du tout; mais alors là, pas du tout. Vous comprendrez trop tard la fausse route empruntée quand hameçonnés, ferrés vous serez, volés de toute certitude, de toute stabilité, de toute vérité et équilibre par une mise en abîme finale qui désarçonne totalement, qui laisse baba, rond de flanc, médusé.
Et au-delà même de l'épilogue, dans le non écrit qui succède au mot fin, livre fermé, le lecteur trouvera dans ses propres scories de réflexions des révélations qui lui feront dire "Mon Dieu, çà veut dire aussi que..". Mais là Derder ne vous dira plus rien, il vous a tout mis en mains, il a fait le job. "Débrouillez-vous avec çà" rigole t'il en tournant le dos.

Perso j'ai aimé. Et comment..! L'auteur m'a embarqué via un ton et une situation sociale que j'ai perçu d'emblée vecteurs de noirceur policière. "Espace Negatif" m'est polar noir, néo-polar, thriller, mais aussi roman contemporain. C'est lent, c'est rapide, c'est doux, c'est violent, c'est humour, c'est auto-dérision, c'est tristesse, c'est critique sociétale acide. Tout çà à la fois. Mais c'est aussi un premier roman, un auteur tout neuf, des lenteurs, des faiblesses et des maladresses. Mais çà laisse tant espérer pour la suite. La prose est atypique, rapide, concise, serrée au ras du propos, acide, souvent drôle.

Avez-vous vu "La mort aux trousses" d' Hitchcock..? Vous souvenez-vous de la scène finale au sommet du Mont Rushmore..? Derder la transpose au sommet de la Tour Ghery à Arles pour un final dantesque. Sacrée référence..! Et quand vous aurez lu et digéré l'épilogue, revenez me voir et nous parlerons d'un autre film d'Hitchcock et pas des moindres.

PS: Un petit coucou amical à Cheyenne-Tala de Babelio et du "Bouddha de Jade" avec qui j'ai partagé en mp de longues discussions passionnantes, à postériori, autour d'un "Espace Negatif" qui mérite le détour et qu'on se retourne sur lui.
Lien : https://laconvergenceparalle..
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