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Critique de erwan69


Au gré d'une visite à la Fnac à la recherche de nouveaux albums jeunesse, je suis tombé sur le livre « le mariage de Simon ». Difficile de le rater, il était en tête de rayon, agrémenté d'une délicate petite publicité « coup de caeur ». Cet ouvrage m'a véritablement choqué à plusieurs niveaux :
Tout d'abord, le contenu : les thèmes abordés dans cette histoire sont : le mariage, le choix du partenaire, la beauté/la laideur. Ce petit cochon, le héros, est « magnifique ». Les 3 premières cochonnes qui lui sont proposées ( !) sont « toutes plus moches les unes que les autres ». Mais qu'est-ce donc que la beauté ??? La réponse de l'auteur est la suivante : la 1ère cochonne est bossue, la 2ème a une verrue sur le nez, et la 3ème des moustaches. La beauté est donc physique. (« Que pourrait ressentir une personne qui aurait effectivement une de ces 3 caractéristiques physiques en lisant cette histoire ? » Je vous passe cette rengaine un peu rébarbative mais au combien importante...qui n'est plus un problème aujourd'hui grâce à l'existence de la chirurgie esthétique...)
Par ailleurs, comment les enfants, futurs adultes, vont-ils choisir leur partenaire à l'avenir s'ils se réfèrent à cette histoire ? Essentiellement sur des critères physiques, bien sûr, alors que la dictature du physique n'a jamais été aussi étendue à la télévision, dans les journaux, sur les panneaux publicitaires... Il faut sortir de là !
Car ce n'est pas l'avis du cochon que nous donne l'auteur, mais un avis qui semble universellement reconnu. On pourrait rétorquer que l'auteur décrit simplement un fait de société : « tout le monde trouve moche une verrue sur le nez ». Mais comment faire évoluer ces aberrants « faits de société »? Certainement pas en proposant des histoires de ce type.
Par la suite, les 3 cochonnes le jugent à leur tour trop gros, trop maigre, bref, pas à leur goût. du fait qu'elles l'aient jugé ouvertement, il regrette de ne pas leur avoir dit ce qu'il pensait vraiment d'elles. Belle mentalité à inculquer à nos enfants : si on te fait du mal, fais-en de même.
Puis, il cauchemarde de cochonnes incroyablement laides : une avec les dents très longues (heureusement je crois que ça n'existe pas), une avec « un quadruple menton dégoulinant sur sa poitrine » (le paroxysme de la laideur se situe donc dans l'obésité, merci pour ce sympathique message à l'égard de toutes les victimes de cette maladie).
Arrivent alors 3 autres cochonnes, cette fois-ci très belles et gentilles (une petite association beauté-gentillesse, ça ne fait pas de mal), et notre cochon ne sait pas laquelle choisir, sans les connaître, il les veut toutes (puisqu'elles sont belles) !! C'est réciproque, elles veulent toutes de lui (puisqu'il est beau)...comment faire alors ? Il va choisir celle qui le trouve super mais qui ne veut pas se marier avec lui. Ici, on se dit « ah, peut être un message intéressant, montrer que le mariage n'est pas indispensable à l'amour ? ». Mais non, même ce semblant d'ouverture est gommé car au final ils veulent bien se marier seulement s'ils trouvent le partenaire de leur rêve...c'est-à-dire ? C'est-à-dire un partenaire beau, qui ne veut pas se marier avec n'importe qui mais seulement avec « le partenaire de ses rêves ». On se rapproche des contes de fées qui 1/ datent de mathusalem, donc correspondent à un type de société (que je croyais) révolu, 2/ transmettent aux enfants des fausses réalités (« un jour, tu trouveras la personne idéale ») 3/ ont d'innombrables qualités que ne possède pas cette histoire sans intérêt. Je trouve qu'elle reprend le pire des contes de fées, sans le meilleur.

Au niveau du choix du partenaire : les garçons doivent être forts, les filles doivent être gentilles. de nombreux débats ont eu lieu depuis le début du siècle pour aller au-delà de cette vision archaïque de l'amour et des relations homme-femme. Les histoires de ce type ne devraient plus être éditées.
A moins bien sûr, et j'arrive là à mon second point, à moins que cette histoire soit éditée dans le seul but de faire vendre, de gagner des sous. Car il est indubitable qu'Anaïs Vaugelade fait bien vendre. Ses albums ont toujours du succès. Quelle que soit l'histoire, avec elle, aucun soucis pour les profits. Prime à l'inimagination (néologisme qui sied parfaitement à notre époque) et à ce qui marche, à ce qui a déjà marché, et dont on est sûr que ça remarchera. « Vive la frilosité, vive l'argent ! »
Pourquoi rééditer une histoire - sans grand intérêt, même plutôt dangereuse - qui l'a déjà été avec un autre illustrateur ? Si cette histoire était si intéressante, pourquoi ne pas la rééditer telle quelle ? Par ailleurs, n'y a-t-il pas assez de NOUVELLES propositions qui arrivent chaque jour à l'école des loisirs ? La « ligne éditoriale » représente-t-elle une oeillère pour le comité de lecture ?
La littérature jeunesse est un média puissant pour véhiculer des valeurs, des idées, des manières d'être par le biais des histoires. Elle s'adresse directement aux futurs adultes. Certes il est important que l'histoire soit amusante ou triste, plaisante, qu'elle éveille la curiosité, qu'elle distraie ou je ne sais quoi...mais je crois que les valeurs sous-jacentes (quelle vision de la société de demain ?) doivent être analysées en priorité avant de choisir d'éditer ou non une histoire.

Je me suis donc permis d'écrire ici mon indignation devant ce que j'appellerais une belle médiocrité et une insulte à tous ceux qui cherchent à lire ou écrire des histoires originales et intéressantes. Je vous présente mes excuses pour le ton très sec employé - je dois malgré tout reconnaître que cet album le mérite - et j'espère qu'il vous amènera à ne pas acheter ce livre, ou si c'est déjà fait, à réfléchir avant de le lire à des enfants.
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