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Critique de LauEncre


Ce premier roman de Marion Deshayes raconte, d'une écriture précise, aiguisée, comment les rêves de maternité idéalisée d'une jeune maman, Alice, viennent se fracasser contre la réalité de la grande prématurité de l'enfant qui naît dans l'urgence, urgence vitale pour l'une et l'autre, dans le désarroi, trop tôt, bien trop tôt. Comment le lien mère-enfant, auquel il a manqué deux mois pour se tisser, s'épanouir lentement mais sûrement au creux du ventre maternel, est empêché : empêché car Emma est emmenée dès sa venue au monde, empêché par les machines, bruyantes, omniprésentes, par les sondes qui nourrissent Emma, les machines qui veillent sur elle, les électrodes, par le téton factice, en silicone, censé faciliter le début de l'allaitement.
Il faut dire aussi qu'Emma n'y a pas mis du sien ! Maigre, osseuse, petite créature qui ne souffre pas la comparaison avec les bébés potelés des guides pour les futures mamans, elle garde son énergie pour hurler, crier sa colère, protester, s'égosiller, refuser de téter… Alors, place à la machine, encore, aux tuyaux, pour produire ce lait dont la petite créature a besoin…
Et puis, la douceur qui survient, sur la pointe des pieds, le premier chant d'une mère pour son enfant, les deux qui, enfin, se regardent, se découvrent, l'attachement, qui dès lors, ne fera que grandir.
Magnifiquement symbolisé par l'illustration de couverture de Mathieu Persan, ce fil, ténu au début, ne fera que s'affermir, se consolider. La paix qui s'installe peu à peu, les moments de tendresse avec le papa, un trio nouvellement formé, une complicité retrouvée. le désarroi pourtant encore, parfois, quand le scope, angoissant, omniprésent, donne l'alerte…
Dans un prologue et un épilogue très habilement menés, l'auteure nous fait rencontrer également un personnage attachant, petite soeur des dames du Quai de Ouistreham, de Florence Aubenas : Nathalie, chargée de briquer avant, d'astiquer après. Entre ces deux moments, dans la chambre M41, la naissance d'un lien.
Marion Deshayes, d'une écriture travaillée au cordeau, dans une langue précise et efficace, crue parfois, nous donne à ressentir exactement le vécu d'Alice, ce vécu à la fois intime et universel. Je souhaite préciser que Marion Deshayes, je la connais. Alors ce livre je l'ai lu deux fois. Une première fois sans réussir à me détacher du fait que j'en connaissais l'auteure, il m'a fait un effet « Whaouh, quelle écriture, quelle puissance ». Et puis, quelques temps après, une seconde lecture... pour me détacher de l'auteure. Une expérience plus forte encore que la première, extrêmement sensible. L'écriture est riche, inventive, les descriptions, presque cliniques, ultra précises, charnelles quand il s'agit des corps, donnent à ressentir les émotions de son héroïne, ses doutes, les relations avec le père, dans une langue puissante et évocatrice, aux mots soigneusement choisis pour leur justesse. Cet ouvrage est une pépite, je ne l'aurais sans doute pas lu si je ne connaissais pas Marion Deshayes… et je serais passée à côté d'un très beau roman ! Coup de coeur assurément !
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