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Critique de Meps


Meps
04 février 2024
Un livre calibré pour la rentrée littéraire : une auteure connue et reconnue, déjà primée à plusieurs reprises (prix Renaudot, prix de Fore), un titre accrocheur à l'oxymore intrigante, un sujet dans l'air du temps, Me Too et les réseaux sociaux, une actualisation du récit puisque le confinement covidien le traverse... Tout pour donner une belle tête de vainqueur à ce roman.

Au final, le livre n'a rien gagné, en termes de prix en tout cas. Parce qu'il s'est en revanche bien vendu... Et a été plutôt défendu qu'assassiné par la critique. Une fois toutes ces vagues littéraires passées, comme les vagues du Covid, j'arrive après la fête et je regarde ce qui reste, je donne mon avis sur le champ de bataille un peu déserté.

Tout d'abord, dire que le livre est à la fois intelligent et bien écrit, ce qui m'empêche d'en dire trop de mal et qui me fait comprendre le soutien global qu'il a plutôt connu. L'analyse de notre société est plutôt réussie, il y a quelques accents houellebecquiens dans le style percutant. Les thématiques sont maîtrisées par une auteure qui a soigneusement choisi le contexte qu'elle connaissait, le monde du cinéma et de l'édition, celui de la célébrité, des addictions pour ne pas sombrer dans la déprime. L'héroïne principale est nancéienne, on ne renie pas ses origines même si on les assassine de mots choisis. La réflexion globale sur Me Too, les réunions des Narcotiques Anonymes, tout sonne juste et, même si on est pas toujours d'accord, on ne peut que reconnaître que l'analyse est plutôt brillante. Même l'idée de choisir deux personnages à la fois aux antipodes du genre et proches par leur histoire personnelle nourrit le récit, avec l'interposition du personnage de Zoé qui apporte sa jeunesse et sa rage aux réflexions des deux quinquas désabusés;

Et pourtant ça ne marche pas vraiment, les engrenages ne tournent pas totalement rond. D'abord parce qu'à mon sens ce n'est pas vraiment un roman. Despentes s'est offert un essai romancé sur les sujets qui l'animaient et où elle voulait livrer son opinion. Les deux personnages essaient de se parler et deviennent miraculeusement amis... alors qu'ils ne font souvent qu'étaler leurs discours respectifs, faisant semblant de comprendre l'autre pour qu'il accepte de l'écouter. le contrepoint de Zoe sert à montrer à quel point la jeunesse est belle dans ses outrances, mais tellement peu sage dans ses emportements. le dispositif épistolaire aurait pu fonctionner, mais pas quand il ne sert que d'outil rhétorique plus que narratif. A plusieurs moments, se glissent des réflexions un peu hors sujet mais qu'on sent destinées à délivrer le message de l'auteur. Cette façon un peu perfide de glisser au milieu de l'histoire des idées, presque de façon subliminale, publicitaire m'a particulièrement dérangé et empêché d'apprécier complètement le moment. Et puis on ne peut ignorer que la discussion entre un écrivain à succès et une star du cinéma, fussent-ils d'origine modeste, cela reste quand même déconnecté de certaines réalités quotidiennes, comme quand Rebecca a envie de conseiller à Zoé de quitter son boulot si elle souffre trop... Et oui, c'est si facile...

C'est dommage car l'objet reste particulièrement représentatif de son époque, le confinement n'est pas qu'artificiellement utilisé, le discours intelligent sur les addictions mérite d'être soutenu... Et l'analyse de trouver une vraie conclusion, dans l'intérêt de la rencontre réelle, celle qu'offre les Narcotiques Anonymes dans leur réunion, ouvrant ainsi la voie à une empathie qui manque tellement à Zoé et à notre époque de réseaux parfois trop asociaux. Dommage que le lecteur soit le seul à pouvoir tirer cette conclusion, dommage que les personnages ne se rencontrent finalement jamais, à part dans un futur hypothétique à réinventer.
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