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Critique de absolu


C'est un roman très court, moins d'une centaine de pages, mais tellement dense, que je n'ai cessé de prendre des notes au fil de cette lecture. Et ça ne sera pas facile de raccourcir... le mieux encore, c'est de le lire. Vraiment.

Une écriture toujours aussi pleine, pleine de vie, de mort, enceinte d'émotions toujours plus fortes, prête à accoucher à chaque page, et pourtant, toujours contenue.

Un style rythmé comme l'océan et ses marées, plein de lui-même, de lumière, d'obscurité. Plein de douleur et des caresses qui bercent, celles de l'eau, pas de la mère.

Poème en prose sans aucune pause, monologue intérieur/extérieur on ne sait pas bien. Complainte ou testament, récit d'une vie sur récif, loin des hommes et de leur violence, en plein dans le mouvement perpétuel de la mer, belle, cruelle, toujours juste. Immensément juste. Fidèle, indomptable. Comme Joséphin. La loi de la nature prend le dessus sur celle des hommes, reprend ses droits, pas de temps à perdre, la vie s'éteint, reprend, finit, recommence. Et encore, et toujours.

Et Joséphin toujours repense aux mauvais gestes de sa mère sur lui, des tontons sur elle, à sa mauvaise vie à elle, à cause de lui, qu'elle dit.

Alors il est parti, s'est exilé, sur les rochers, "j'ai pris l'habitude d'aller dans la mer chaque fois que le monde d'en haut criait trop fort", "plus le temps passait et plus j'ai préféré me disparaître", "pas de moqueries sous la mer. Pas de mots. Pas de mots.". On l'a cru mort noyé, et puis on a compris, qu'il vivait à sa façon, on l'a rejeté.. Rejeté à la mer, là où il est vraiment né. Il revient, régulièrement, au bord, au bord de là-haut, du village, dans lequel sa mère n'en finit pas de se détruire, de vieillir. Cette mère qui ne s'est sûrement pas rendu compte de son absence.. Elle-même absente de sa vie.

Depuis on l'appelle Joséphin le fou, car il a préféré la mer salvatrice à la mère destructrice, la mer qui nourrit, qui l'habille, le protège. Sa mer d'adoption.

Mais Joséphin est seul, et sait, au fond de lui, que la solitude peut tuer. Il lui faut un peu de compagnie, de la lumière, dans sa caverne. Il emmènera deux petites filles, avec lui. Deux ailes d'un ange, pour embellir sa vie. Pour se sentir utile aussi, les sauver de ce qui les attend dans quelques années, ventre alourdi, chaîne aux pieds. Elles ne le voient pas elles, ce qui les attend, "ces yeux qui les pénètrent de force et qui font d'elles ce qu'elles sont pas, non. Ca, elles le remarquent pas." "Ils massacreront leur vie, s'ils le peuvent. Ils déchireront leur chair de coquillage, s'ils le peuvent."

Il est plein d'amour Joséphin. Amour qu'il s'est créé, loin des humains, qu'il a extrait de l'écume, bonheur marin, sain, sauvage, dénué d'intérêt. Instinct de vie féroce. Tout cet amour, il voudrait s'en libérer, car la mer, elle, n'en veut pas. Trop humain. La mère non plus n'en a pas voulu. Il reste un homme, même si le sel coule dans ses veines. Il a besoin de ce bonheur d'humain, aucune main lui en a jamais donné, "je vais longtemps vous regarder vivre et vous goûter des yeux parce que moi aussi, j'ai envie de bonheur". Et il comprend pas, qu'on puisse lui refuser. Pourquoi elles en veulent pas, ces deux petites perles...

Il faut pas qu'elles retournent là-bas, qu'elles deviennent comme cette femme qu'il a déchirée en échouant sur terre. Au village, ils savent pas le paradis qu'elles ont en elle, "Solange - morceau de soleil cassé dans des yeux d'ange", "ces deux bouts de brume décrochés des nuages pour plevoir sur eux une infinie bénédiction"

Voilà ce qu'il veut préserver, Joséphin, voilà cet amour qu'elles ont l'une pour l'autre, dont il voudrait ne serait-ce qu'une miette. Car Joséphin est resté cet enfant assoiffé d'amour. Et si on lui donne pas, et bien... il le prendra..
Lien : http://www.listesratures.fr/..
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