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Critique de enjie77


La pire des angoisses d'une mère : être réveillée la nuit, à l'aube, par un appel téléphonique concernant l'un de ses enfants.

Le coup de fil épouvantable, effrayant, celui où la terre s'ouvre vos pieds, où votre vie devient un véritable cauchemar, où la douleur vous emmure : et cette douleur vous isole d'autant plus que cet enfant est la victime d'une répression policière d'une rare violence, en un mot, votre fils est devenu un révolutionnaire sans qu'à aucun moment, vous n'ayez soupçonné quoi que ce soit.

Nous sommes le matin du 17 janvier, jour anniversaire de Brati, fils de Sujata Chatterjee.

Sujata entend au bout du fil une voix métallique qui lui demande « Brati Chatterjee est-il un parent à vous ? C'est votre fils ? Venez à la morgue de Kantapukur ».
Un drap lourd que soulève le fonctionnaire de police. « Reconnaissez-vous votre fils ? ». Pas un centimètre de sa peau n'a été épargné. Il n'est que chair meurtrie, abîmée.

Pendant ce cauchemar où tout son univers se décompose, Dibyanath, son mari la laisse seule face à son immense douleur, il va jusqu'à refuser de garer sa voiture devant la morgue afin de préserver les apparences. Il est bien plus préoccupé à actionner ses connaissances afin que son nom ne s'étale pas dans les journaux. Il réussit à dissimuler l'identité de Brati qui deviendra le matricule 1084.

A ce moment où le fonctionnaire soulève le drap et où la douleur terrasse Sujata, le destin à son insu aussi lui enlève le bandeau qu'elle avait sur ses yeux.

Cette famille aisée, d'apparence paisible, à oublier le sens du mot « authenticité ». Et Sujata va alors entreprendre, instinctivement, un chemin vers plus de conscience.

Cela fait maintenant deux ans que Brati a disparu. Sujata se réveille, ses pensées sont pour son fils. Elle revit son accouchement, normal en ce jour anniversaire, puis elle revit le jour maudit. La mort de Brati n'a-t-elle aucun sens ?

J'ai accompagné Sujata tout au long de cette journée où elle ressent la nécessité de comprendre les motivations de Brati. Elle éprouve ce besoin impérieux de reconstituer l'emploi du temps de Brati au cours de cette abominable journée. Elle le voit revêtu de sa chemise bleue, aplatissant machinalement ses cheveux sur le côté juste avant de sortir. Elle lui avait demandé « Où vas-tu ? ».

Elle va se rendre chez la mère de Somu, ami de Brati, décédé lui aussi et finir cette quête chez Nandini, la petite amie de Brati qui lui apprendra qu'ils ont tous été trahis. Ce sera son parcours initiatique.

La mort de Brati n'a laissé que des questions. Que s'est-il passé pour que Brati s'éloigne ainsi de sa famille, de sa mère, qu'il s'engage dans de violents affrontements entre le pouvoir en place et son mouvement marxiste-naxalite. Elle n'a rien vu, elle n'a rien pressenti, perdue qu'elle était dans cette famille où son mari la ridiculise, la trompe, où sa belle-mère a pris en main l'éducation des enfants sauf celle de Brati : c'est bien pour cela qu'il était différent et si attaché à Sujata. Lui il avait tout compris du fonctionnement de cette famille. Déjà tout petit, il ne supportait pas les mensonges.

Ils ont tellement gommé l'existence de Brati qu'ils n'hésitent pas à fêter les fiançailles de Tuli, le jour même de l'anniversaire de sa mort.

Mahasweta Devi écrit un roman qui offre une vision sans concession de la société bengalie dans les années 1970.

J'ai aimé ce livre qui se lit avec le coeur, j'ai accompagné Sujata, je me suis révoltée pour elle, j'ai souffert avec elle, j'ai détesté ce milieu hypocrite, j'ai été tellement en empathie avec elle que j'ai refermé ce livre les larmes pleins les yeux.

Ce roman a reçu le prix de littérature « Jnanpith Award » en 1996 des mains de Nelson Mandela.
A noter, derrière l'histoire de cette mère, il y a une période trouble du Bengale occidental. J'ai du faire quelques recherches sur le web afin de mieux cerner l'atmosphère de cette époque.

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