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Critique de Matatoune




vagabondageautourdesoi.com - Sonia Devillers - La journaliste Sonia Devillers, spécialiste de l'étude des médias, confie son histoire familiale dans ce premier essai Les exportés, un récit incroyable sur le pays de ses ancêtres, La Roumanie, et la façon dont le régime communiste a traité les juifs, des années après le génocide de l'Allemagne hitlérienne.

La voix de Sonia Devillers m'accompagne le matin sur France Inter. Souvent haletante, tant son sujet la passionne et le manque de temps la contraint, sa voix m'explique, au fil des jours, l'évolution mais aussi les dessous de la planète-médias et des industries culturelles.

Du coup, Les exportés sont très loin de ce que son image médiatique nous livre régulièrement. Cette histoire d'exil familial, non seulement, ouvre un pan entier de l'histoire de l'Europe de l'Est, mal connue, mais aussi livre le récit poignant d'une recherche pour mettre des mots sur un passé complexe et rendu silencieux par la nécessité de mettre à distance la souffrance vécue.

Gabriela Spitzer est issue d'une famille d'intellectuels reconnue de Bucarest, appelée le Petit Paris des Balkans. Ce sont les Sanielevici, dont tous ses oncles furent académiciens. Sa mère, au destin plus que commun, a épousé un artiste et a retrouvé l'auréole bourgeoise de son nom après son divorce.

Gabriela née Spitzer puis devenue Sanielevici a eu deux filles, dont Marina, mère de Sonia, première à naitre française. Elle s'appellera Madame Greenberg avec son mariage avec Harry, pur texan, revenu dans les années 30 ingénieur en Roumanie après des études en Italie.

Puis, Gabriela Deleanu sera son nouveau nom dès son arrivée en France en 1961. Trois identités pour décrire trois vies largement différentes mais complétement en lien avec l'Histoire de la Roumanie, souvent peu connue car trop peu racontée.

Pourtant, et Sonia Devilliers le confirme à plusieurs reprises, aucun secret en apparence, aucun mensonge n'est venu pervertir l'histoire de la famille. Ces grands-parents ont raconté leur passé en enrobant la vérité d'anecdotes, assez originales et même nombreuses, qui ont mis sous silence ce qui les a fait souffrir, ce qui les a fait partir, ce qui les a si fortement mis au banc d'une société où ils tenaient une place d'intellectuels reconnus et appréciés : leur judéité !

Sonia Devillers remonte l'histoire de Harry et de Gabriela, ses grands-parents, qui vont subir les exactions du pouvoir nazi lors de la seconde guerre mondiale, croire à l'espérance du pouvoir communiste et même en devenir des cadres appréciés. Mais à l'arrivée du dictateur rouge, Ceausescu, celui-ci n'aura de cesse de reconstruire son pays dévasté, et notamment son agriculture, en vendant les juifs jusqu'en 1989.

Impensable, incroyable ! En journaliste avisée, Sonia Devillers amène les preuves, confrontent les historiens, citent les études, rencontrent les protagonistes et surtout retrouve sur une liste, les noms de ces grands-parents.

La Sécuritate, services secrets roumains, organisaient l'échange de familles juives contre du matériel agricole et des animaux d'élevage, et notamment des porcs Landrace Danois, gage d'investissement rentable ! D'où le titre, signifiant la réalité de cet exil !

Certes, les grands parents, et notamment, sa grand-mère appartenait à l'élite bourgeoise intellectuelle de la Roumanie du début du siècle. Elle gardera cette suffisance qui nous la fait peu sympathique. Néanmoins, sa pièce de couture dans l'appartement de Bagnolet que Sonia, sa petite fille, a connu et nous raconte, montre la force de cette femme a se réinventer pour continuer à profiter de la vie.

Difficile de rendre compte de la complexité de cet essai qui interroge, comme d'autres ont pu le faire, sur les charges que portent cette troisième génération après l'holocauste venant exprimer son ressenti et son analyse sur le génocide.

Sonia Devillers choisit de montrer avec l'histoire de sa famille non seulement le vécu pendant la seconde guerre mondiale mais aussi durant le régime communiste dans son pays d'origine, la Roumanie. C'est brillant, argumenté et facile d'accès. Bien sûr, c'est complètement incroyable que dans la seconde moitié du vingtième siècle, il y ait eu, encore, une traite d'êtres humains d'une telle ampleur en Europe…

« Sept cent mille Juifs avant-guerre. Trois cent cinquante mille après ».

Un essai essentiel !
Lien : https://vagabondageautourdes..
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