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Critique de Zoeprendlaplume


Ce roman propose une SF sociale et politique, beaucoup moins axée sur les prouesses technologiques. En cela, Philip K. Dick propose une SF très novatrice pour son temps, où elle est davantage un décor. le coeur de ce qu'il raconte est ailleurs, et Les androïdes… pose deux questions majeures : qu'est ce que l'humain, qu'est ce que la réalité ? Questions qu'on retrouve dans toute l'oeuvre de l'auteur.
Les androïdes… n'est pas un livre sur les technologies et les robots (nexus 6 – nommés réplicants dans le film), mais un livre sur l'humain. A travers la traque de Deckard, tout un tas de questions se posent, tant dans l'esprit du personnage que pour le lecteur. Quand devient-on humain ? Qu'est-ce qui fait qu'on est humain ? Des souvenirs ? Des mémoires ? Un passé ? le croire suffit-il ?

Le roman explore des thématiques complètement absentes du film et elles ont une force dans le roman qui ressort davantage du fait du style assez froid et minimaliste de l'auteur. Parce qu'il ne s'attarde pas sur les à-côtés, parce que sa plume est clinique, les questions qu'il pose (et qui sont déjà en elles-mêmes assez vertigineuses) sont encore plus mises en relief.
La première chose qui m'a frappée en commençant Les androïdes … : son titre. Cette question du mouton électrique/pas électrique est comme un fil rouge dans le roman. C'est peut-être la seule chose qui intéresse Deckard, finalement. Dans le roman, les animaux se font rares. Et ce qui est rare, est cher. Alors le fait d'avoir un animal réel devient un symbole de puissance, un moyen de faire sa place dans cette société. Tous ceux qui n'ont pas les moyens s'offrent des animaux électriques – qui font assez bien illusion. Cela peut paraître anecdotique ou rigolo, mais non, car derrière cette question de possession, se cache celle de l'humanité du possesseur. Car il est sous-entendu qu'un possesseur d'un animal réel est un humain, seul être doté de suffisamment d'empathie et d'émotions pour s'occuper d'un animal. Alors, cela taraude Deckard, forcément.
L'empathie : voilà le coeur du roman. Elle distinguerait les humains des androïdes. Et Philip K. Dick brouille les pistes, d'où les questions centrales que j'évoquais en début de chronique. Par exemple, Iran utilise un orgue d'humeurs. Une sorte de pilulier, et à chaque pilule correspond une humeur particulière. Un joujou qui fabrique des émotions sur mesure… Et puis il y a la boîte à empathie, qui permet, dans une sorte de réalité virtuelle, de revivre le chemin de croix du martyr Wilbur Mercer, de manière très physique, fusionnelle. Un pan majeur du roman complètement absent du film. Cette boîte à empathie apparait pour la première fois dans The little black box (1964).

Ces androïdes et ces moutons électriques proposent donc une SF très différente de ce à quoi on pourrait s'attendre. Dick n'insiste pas sur les décors, l'ambiance - le film par ailleurs comble fort bien ces "trous". Cela se voit aussi dans les personnages. Deckard n'a rien du héros traditionnel. A peine décrit, il fait son job de manière assez expéditive juste pour rafler les 1000 $, trompe sa femme sans remords… sa vie est assez minable, en fait. Ce qui fait qu'il en vient d'ailleurs à se poser des questions sur sa nature, parce qu'il s'en rend bien compte. Mais enfin, rien n'est attachant chez ce bonhomme. Les autres personnages ne sont pas mieux : Isidore le « spécial » m'a paru beaucoup moins attachant que Sébastien avec ses poupées, point de grand méchant à la Tyrell, et les androïdes ne bénéficient pas d'un développement dingue. de toute façon, ils se font dézinguer très rapidement et sans bavure. Quant à Iran, l'épouse de Deckard, elle brille par son côté dépressif. Tout un tas de personnages défichus, pas glorieux du tout, à l'image de cet univers pas du tout réjouissant. Ils n'ont pas le magnétisme qu'offre le film.

Un texte très différent de ce à quoi je m'attendais, moi qui avais vu Blade Runner avant. Malgré tout, j'ai beaucoup apprécié cette première rencontre avec l'auteur, aborder toutes les réflexions absentes du film. D'ailleurs, celui-ci me semble parfaitement complémentaire avec le roman.
Sur le blog, un regard croisé entre film et roman.

Lien : https://zoeprendlaplume.fr/p..
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