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Critique de elea2020


Il m'est difficile de dire si j'ai aimé ce livre, j'aurais l'impression de ne pas lui rendre justice. J'ai conservé de l'intérêt tout au long de ma lecture, j'ai eu envie de connaître le fin mot de cet univers uchronique où Allemagne nazie et Japon impérial sont devenus les maîtres du monde, mais se mangent le nez. Certains personnages ne sont qu'eux-mêmes ou moins qu'eux-mêmes, d'autres ont des identités différentes sous des couvertures variées.

Le roman se déroule en suivant le point de vue de ces différents personnages, qui ont tous des accointances présentes ou passées, des raisons de se rencontrer, pour une issue heureuse ou malheureuse, existante ou non-existante. Ils se partagent entre Américains, soumis à l'Occupation, qui cherchent malgré tout à réaliser leur potentiel, à panser leurs blessures, à s'en sortir, à trouver des appuis ; entre Japonais, puisque ceux-ci occupent la côte Ouest, la Californie (la plus grande partie de l'intrigue se déroule à San Francisco), alliés des Nazis mais menacés par ces derniers, d'autant plus après la mort de Bormann, le chancelier allemand ; enfin, entre les Allemands eux-mêmes, implantés en Amérique ou en visite plus ou moins officielle, qui heureusement se dispersent en rivalités stériles.

Certains croient en leur destin, en un destin commun et meilleur pour leur patrie, d'autres sont cyniques, brutaux, et se contentent d'exécuter les ordres... Et puis, il y a cet Abendsen, auteur du très remarqué et populaire Poids de la Sauterelle, étrange roman qui décrit, dans un monde parallèle à celui-ci, la victoire des Anglais et des Américains, ainsi que la lutte entre ces derniers pour se partager le monde. le Poids de la Sauterelle est interdit, mais autant dire qu'il circule, et éveille chez ses lecteurs interrogations, incompréhension, espoir.

Le "liant" de ces aventures dispersées est un certain désespoir qui règne chez les hommes - que j'ai aimé ce Tagomi, qui n'est pas un rigolo, mais qu'on n'attend pas non plus dans un certain rôle héroïque, humanisé pourtant par ses doutes et la fragilité de sa foi politique, compensé par son sens du devoir ! Tagomi, comme Frank Fink, comme Juliana, a pour habitude de consulter l'Oracle, le Yi King, étonnante méthode de lecture des situations, vieille de deux mille ans, qui peut tout déceler et qui a ce pouvoir de faire ouvrir les yeux, de faire lever la pâte des questionnements. N'est-elle pas la Voix du Tao, oeuvre philosophique s'il en est ?

Aurais-je dû consulter le Yi King pour lui demander quel était le sens de tout cela ? Pourquoi les personnages étaient-ils toujours légèrement en décalage ? En quoi les gestes des uns, leurs décisions, ont-ils une incidence sur le destin des autres ? Pourquoi la vie nous fait-elle parfois nous sentir vides et sans but ? Pourquoi faudrait-il se poser des questions lorsqu'on tente de lire un bon livre ? Mais est-ce si désagréable ? Dois-je nécessairement avoir les réponses dès la première lecture ? Dois-je tout comprendre, alors que la vie-même est parfois si mystérieuse et incompréhensible, sous le prétexte que je lis une fiction, dans ce monde qui est le mien ?

Je n'ai qu'une réponse, pourtant évidente : je relirai ce livre, parce qu'il m'a beaucoup apporté, je reviendrai sur les traces de ma lecture de l'uchronie dans l'uchronie, sur les pas de ces personnages qui essaient de faire des choix, de vivre leur vie, avec l'espoir ténu de les comprendre encore mieux, et la satisfaction déjà présente de savoir qu'au fond ce n'est pas si important. Ce livre est un coup de coeur.
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