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Critique de Thrinecis


Voici un grand roman que j'aurais adoré lire en feuilleton, avec les belles illustrations qui l'accompagnaient lors de sa parution mensuelle.
Je regrette souvent que la mode du roman-feuilleton illustré ait disparu depuis près d'un siècle. Quelle délicieuse torture ce devait être d'attendre chaque jour la livraison de son journal ! Et quel grand plaisir d'y découvrir comme monsieur Tout-le-monde la suite des aventures de David Copperfield, celle des Deux Orphelines au XIXème siècle ou bien celles de Rouletabille et de Chéri-Bibi au XXème siècle... Personne ne pouvait vous raconter à l'avance ce que vous alliez lire et encore moins vous en dévoiler la fin !
Donc, sans aucune illustration, je l'ai lu en 2 tomes (Editions Flammarion) dans la belle traduction préfacée de Sylvère Monod.

J'avais quelques appréhensions car mon unique lecture de Dickens - Oliver Twist – m'avait un peu déçue il y a 2 ans : j'avais trouvé le roman misérabiliste, très manichéen et s'apparentant davantage à un roman pour la jeunesse qu'à un grand classique. Dickens précipitait son pauvre orphelin de Charybde en Scylla, ne lui épargnant rien, afin de nous faire pleurer tout du long. Je craignais donc que David Copperfield ne soit dans la même veine ! Mais outre le fait que son nombre de pages est si conséquent qu'il ne s'adresse clairement pas à la jeunesse (du moins celle d'aujourd'hui), c'est une oeuvre d'une grande richesse qui puise abondement dans la vie de Dickens (son enfance, ses apprentissages, ses amours) et s'avère donc intéressante à plus d'un titre.

Pour moi, la plus grande qualité de ce roman est sa façon de remonter le temps en faisant appel à la mémoire du narrateur : fidèle, d'une grande acuité, sa mémoire lui permet de dérouler le cours de sa vie passée depuis sa naissance sans rien anticiper de ce qu'il adviendra ensuite des personnages ou de ses propres sentiments, mais tout en glissant parfois un jugement discret, point de vue émis non par le personnage à l'âge relaté, mais par le narrateur plus âgé qui se pose en jugé éclairé.

Certains chapitres sont de vrais petits bijoux d'écriture : les pages consacrées à la mémorable "cuite" de David quand il s'enivre en compagnie de Steerforth restituent très drôlement son état d'esprit embrumé et sa vision vacillante. Quand David mène sa cour auprès de la ravissante tête de linotte qu'est Dora, cela donne aussi un style à la fois enlevé, comique avec une bonne touche d'auto-dérision puisque comme toujours, le narrateur, désormais âgé, nous fait revivre ses souvenirs avec tout le recul et la mise en perspective de son âge actuel forcément plus assagi. Dickens se livre aussi à un véritable exercice de style quand il décrit le mariage de son héros, abandonnant le temps du passé pour le présent, dans un style précipité, avec des envolées à la fois lyriques et ridicules.

Mais j'ai eu quelques ressentis plus négatifs sur le rythme passablement lent du premier tome et sur certains personnages trop caricaturaux que je n'ai pas appréciés comme les Micawber ou l'infâme Uriah Heep. le deuxième tome est carrément plus addictif, les intrigues allant plus rapidement vers leur dénouement.

Je suis contente d'avoir lu ces 900 pages qui m'ont complètement réconciliée avec Dickens.

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