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Critique de Gwen21


Jusqu'à présent, de Joël Dicker, je ne connaissais rien ou plutôt pas grand chose, c'est-à-dire le nom de son premier roman "La vérité sur l'affaire Harry Quebert". Depuis cette parution "successfull", j'ai tellement entendu tout et son contraire sur ce jeune auteur suisse que je savais qu'un jour, je devrais m'y coller et me forger ma propre opinion. C'est désormais chose faite après la lecture plus que laborieuse de "La disparition de Stephanie Mailer", roman dans lequel, je tiens à le préciser, je me suis pourtant plongée sans aucun préjugé négatif, en véritable poussin né de la veille.

Alors, ce qui m'a le plus frappée pour commencer, c'est le style, ou l'absence de style devrais-je dire. Comment vous dire ? J'ai d'abord cru à des erreurs éditoriales comme si l'éditeur avait oublié des mots ou une partie de la ponctuation, mais en fait, non, après cent pages, j'ai bien dû me rendre à l'évidence : c'était vraiment la plume de l'auteur et là, petit moment de solitude dans mon canapé, j'ai quand même flippé au regard du bloc de pages qui me restait entre les mains. Une digestion longue et inconfortable se profilait à l'horizon...

En fait, c'est tellement mal écrit qu'on en vient à douter de sa propre vue et de son propre jugement. Les phrases que je lis sont-elle bien écrites ? Ces adjectifs déjà lus cinquante fois en cinquante pages sont-ils vraiment imprimés ? A ce moment là, parvenue tant bien que mal au premier tiers du roman, je ne vous cache pas qu'il m'a fallu actionner un nouveau levier de motivation parce que franchement, à la sortie d'un polar de Lehane, tout ça me semblait juste impossible à avaler sans un petit coup de pouce. Délaissant le recours à l'alcool fort, j'ai plutôt opté pour une petite pause, le temps de me renseigner un peu sur l'auteur dont je n'avais jamais écouté d'interview, à peine savais-je à quoi il ressemblait. Hélas, première info que je récolte : Joël Dicker n'a pas voulu écrire un polar avec "La disparition de Stephanie Mailer". Alors, là, pas de bol, Mr Dicker, sincèrement désolée mais je fais partie des lecteurs qui aiment appeler un chat un chat et qui apprécient quand un auteur ne se fout pas de leur gueule avec des effets de manche à la con. Si "La disparition de Stephanie Mailer" n'est pas un polar, alors qu'est-ce que cela peut bien être ? Menons l'enquête...

Ok, ok, je veux bien respecter vos assertions, Mr Dicker, après tout, vous êtes censé mieux vous connaître que moi. Donc, je reprends ma lecture avec la ferme décision de ne pas voir dans ce roman un polar. En cela je respecte exactement ce que vous affirmez. Mais alors, que me reste-t-il comme carburant pour persévérer dans cette "enquête" qui n'en est pas une ? Dieu merci, une illumination bienvenue m'a soudain éclairée : j'ai réalisé que vous écriviez une parodie de roman policier, doublée d'une parodie de littérature facile à succès.

D'un seul coup, j'avais résolu votre énigme et tout le puzzle s'est mis en place naturellement : la pauvreté du style, les stéréotypes à gogo, l'action située à New York, les fausses pistes, l'absence abyssale de descriptions, la vulgarité dans la bouche des policiers (qui n'en sont peut-être pas ?), les retournements de situation gros comme des camions, tout cela tendait évidemment à parodier le genre du polar, genre de plus en plus galvaudé depuis qu'un chromosome "thriller" a été découvert sur le caryotype des Scandinaves.

A partir de là, la lecture de votre roman "La disparition de Stephanie Mailer" fut une vraie partie de plaisir, un festival du rire (à défaut de théâtre) haut en couleurs où j'ai retrouvé tous mes repères. Très subtil et bien dosé, cet équilibre entre "La cité de la peur" et "OSS117", je me suis tellement divertie à prendre place dans la tête de vos enquêteurs (qui n'en sont peut-être pas ?) que je ne résiste pas à l'envie de partager ici quelques beaux morceaux de cogitation policière :

"- [...] Et puis ces valises pleines de vêtements qu'on a trouvées dans la voiture. Je crois qu'ils étaient sur le point de partir."

"Anna et moi avions la conviction que l'argent retrouvé chez Stephanie était une des pistes de notre enquête. D'où provenaient ces 10 000 dollars en liquide retrouvés chez elle ? Stephanie gagnait 1 500 dollars par mois : une fois payés son loyer, sa voiture, ses courses et ses assurances, il ne devait pas rester grand-chose. S'il s'agissait d'économies personnelles, cette somme aurait plutôt été sur un compte en banque." #auteursuisse

"Pour découvrir qui avait tué le maire et sa famille, nous avions besoin de savoir qui avait une bonne raison de le faire."

"La personne qui avait mis le feu à l'appartement n'avait qu'un but : tout faire brûler."

"- Eh bien, tout laisse à penser que ce que cette personne cherchait ne se trouvait pas dans l'ordinateur de la rédaction [...]."

"[...] les mains liées par un collier de serrage en plastique de type Serflex." {tut tut pas de marque !}

Et encore, Mr Dicker je me rends compte que ces maigres extraits ne rendent pas suffisamment justice, et à votre ingéniosité d'auteur, et à la sagacité de vos enquêteurs au charisme véritablement poignant...

Ah... attendez... on me susurre dans l'oreillette que je fais fausse route, que contrairement à toutes les apparences, il ne s'agit pas ici d'une parodie mais bien d'un vrai et inédit polar-qui-n'en-est-pas-un ! Oh, alors, toutes mes excuses, Mr Dicker, j'ai dû m'embrouiller dans mes fiches car, oui, je vois là, sous mon buvard, ma note sur ma seconde hypothèse qui va à un scénario pré-mâché pour HBO ; c'est les abonnés de Netflix qui vont être contents ! J'ai déjoué votre fausse piste, c'est bien vers ce succès programmé qu'on se dirige. Vous aviez pourtant laissé derrière vous bien des indices, à commencer par ces effets "roulement de tambour" ou "haleine retenue avant une catastrophe" au début et à la fin de chaque court chapitre ? séquence ? épisode ? Effets qui doivent bien avoir un joli petit nom anglophone que je ne connais pas hélas, n'étant pas abonnée à Netflix, sorry.

Allez, Mr Dicker, je m'arrête là, car il n'y a vraiment pas grand chose à sauver dans tout ça et on ne va pas y passer la journée non plus. Laissons le mot de la fin à Meta Ostrovski, le "critique littéraire" de votre roman, qui affirme : "Ce qui n'a pas de succès est forcément très bon". L'inverse serait-il tout aussi vrai ?


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