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Critique de oblo


oblo
08 novembre 2017
En écrivant l'histoire de Jean-Baptiste Pussin, Marie Didier a choisi d'avoir des pieds plutôt que des ailes. Cela explique la faible épaisseur du livre mais aussi sa prodigieuse profondeur car tout ce qui y est dit a matière de réalité.

Jean-Baptiste Pussin, pour Marie Didier, est d'abord une rencontre et un miroir. Une rencontre à deux cents ans d'intervalle, au hasard d'un livre, d'une ligne, d'un mot. Jean-Baptiste Pussin fait irruption dans la vie de Marie Didier et ne la lâche pas pendant deux. de cette obsession découle ce livre, sorte d'histoire à peine fictionnelle et fortement factuelle de la genèse de la psychiatrie. Jean-Baptiste Pussin est aussi un miroir déformant, culpabilisant pour Marie Didier : face à lui qui s'occupe avec tant d'intelligence des fous et des aliénés, elle, pourtant médecin, peine à trouver le temps et l'attention pour sa mère, puissance d'autrefois dont le monde s'est rapetissé brutalement au passage de la vieillesse.
Pussin arrive, jeune homme, à Paris pour y trouver du travail. Mais, écrouelleux, il est d'abord traité puis déclaré incurable, envoyé à l'hôpital de Bicêtre. Là s'entassent les malades, les pauvres, les fous (on dit : les insensés), les bandits, les criminels, même des enfants que la faim ou l'innocence ont poussé dans la rue. Les conditions de détention - car on ne sort pas de Bicêtre si facilement que cela - sont effroyables pour tout le monde, et plus encore pour les prisonniers de droit commun. Pêle-mêle, ceux de Bicêtre sont confrontés au froid et à la chaleur extrêmes, à l'humidité, à la faim, à la saleté, au malaise permanent, à la violence brute des gardiens, à celle, plus mesquine, des personnels qu'on dirait aujourd'hui soignants.

Par sa carrure, par son autorité, Pussin accède bientôt aux responsabilités. On le nomme gouverneur De l'Emploi des Fous. Il y expérimente le traitement par le bon sens et par l'humanité. Ne plus considérer ces hommes et ces femmes comme des objets à qui l'on dénie toute sensibilité. Pussin bannit les mauvais traitements, améliore la nourriture, prend le temps de parler et, surtout, d'écouter. Être présent. Regarder dans les yeux. Poser une main compatissante sur l'épaule qui, quelques instants auparavant, tressaillait nerveusement. La Révolution apporte son lot de violences, insoutenables parfois. Pour Pussin, l'histoire se chargera de son oubli : on attribue aux uns ou aux autres non pas ses découvertes, mais ses actions les plus significatives et les plus fortes, comme la fin de l'enchaînement des prisonniers.

La force de ce livre réside dans l'étrange proximité qui lie l'auteur, le lecteur et le personnage principal, Jean-Baptise Pussin. En utilisant la deuxième personne du singulier et en écrivant au présent de l'indicatif, Marie Didier parle littéralement à Jean-Baptiste Pussin, le traite comme son égal : non pas en tant que médecin (on peut considérer Pussin comme un précurseur de la psychiatrie moderne) mais en tant qu'êtres humains. C'est là la deuxième force de ce livre : sa grande humanité.
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