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Citations sur Le peu de monde (suivi de) Je te salue jamais (58)

IMAGES QUI FONT LE SILENCE


Aux hameçons de l’après-midi
aux épines de couleurs,
se sont prises et pendent quelques images.
À travers notre vie et hors de notre vie
et elles frétillent sans lien entre elles :
l’image d’une pluie
et à côté l’image d’un pont les soir ;
ensuite, l’image de visages,
sans rives et sans passage.
Mais que le vent idiotement les agite
et tout se mélange.
Et l’on obtient l’image
de visages
sur un pont
sous la pluie
le soir.

Aux hameçons de l’après-midi,
aux épines de couleurs,
se sont prises et pendent
des images qui font le silence.
Pendante, une image de fenêtre.
Les rideaux parsemés
d’un automne descendant tout en feuilles de platane.
Une image de main qui souffle
comme un vent rétablissant les feuilles.
Image aussi la grande vague de temps
qui se rue pour t’emporter,
car à chaque fois tu oublies ouverte
la porte du rêve.

Qu’est-ce qui me chagrine, qu’est-ce qui me chagrine ?

p.87-88
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À LA MAUVAISE HEURE


Été, en Eubée

Entre nuit et petit jour
j’ai trouvé coincée l’heure sans heure.
L’allégresse impie des oiseaux m’a si tôt réveillée
que je suis sortie dans le reflux des ténèbres.
Mon balcon rame paisiblement
dans les hauts-fonds des couleurs.
Les jardins rêvent encore
de fleurs inconnues.
Lentement se déploie le glorieux horizon
comme un vulgaire mètre-ruban.
La mer a des allures d’oubli : on nous délaisse.
L’immensité a des allures d’oubli. Oubli immense.
Un caïque dans le fonds n’avances plus,
la distance l’emporte et joue avec.
Le niveau des couleurs monte en murmurant.
Les formes s’approchent au pas de promenade.
Une rame blanche se réveille,
un toit bat des ailes,
un volet a frémi.
Un clocher se lève effrayé,
coupable : la foi doit se réveiller la première.
Première avant tout.
Les formes s’approchent au pas de promenade.
Les portes se dessinent fermées
et les limites s’obstinent.
Les montagnes sorties dans la clarté
se ramènent en arrière.
Et toi où vas-tu, espoir ?
Ils sont debout depuis longtemps, les refus.

Et moi, qui suis et m’appelle
heure avancée, que viens-je faire
Parmi ces bonnes humeurs au berceau ?

p.28-29
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PASSE-PARTOUT


J’ouvre les fenêtres de la photo
pour t’aérer. Elle est restée fermée longtemps
comme tant de vieilles saisons de campagne.

Tu es au balcon. Dans ta vieille pose
avantageuse ; debout ; portant l’uniforme terrestre
ajusté, coloré des surfaces ; pour toit de tuiles
le gros blouson gonflé du pin,
rapiécé de morceaux de mer
aux endroits où se déchirent les branches
en jouant avec les grands vents.
Les jardins marée montante
atteignent les poteaux télégraphiques
et aux fils sont pendus des citrons
lampions de fête encore verts.

Comme un drapeau tu descends le soleil.
Tu lèves la tente en écrasant
des fleurs de toile. Impatiemment tu fais tourner
le mouvement comme si le plus rare, c’était l’ombre.
Jusqu’ici la photo reste raisonnable.
Et me voici, apportée par quelle paranoïa
sur l’image ; comme en chirurgie esthétique...

p.175-176
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MONTAGE
Photographie


Tu es la frontière entre deux immensités.
Deux hautes mers affrontées.
Le ciel et l’eau.
La largeur des deux
s’articule sur ton front.
Ton front large
affronte les limites.
Les voiles repliées de ton visage,
sa proue pensive,
montrent que tu attends la tempête
des immensités.

Mais toi tu tiens la barre.
Est-ce un accessoire de caïque
ou de ta vie ?
Est-elle à toi, la barque
ou volée ?
Est-il à toi, le courage
Ou à la photo ?
Conduis-tu ou es-tu conduite ?
Y avait-il une barre dès le début
ou est-ce le montage du photographe
qui a donné une barre
à l’ingouvernable, de même
que nos grands-pères paysans
se retrouvaient cravatés
entre des cadres ?

p.55-56
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Je quitte le monde des mystères
tranquillement.
Jamais de ma vie je n'ai fait de mal à une énigme :
Je n'en ai résolu aucune.

Premiers vers du poème J'ai accepté de ne pas savoir
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APOLOGIE

J’aimerais tant savoir enfanter
de petits poèmes.
J’en suis privée par ma prolixité.
Délibérée tel un préservatif
pour éviter la conception douloureuse
et n’être pas déclencheur et auteur
d’une brièveté de plus.

Elle m’impose une longue marche vaine
pieds nus croyant allonger ainsi
la dose de volupté allouée à la vie.

Un petit poème.
Presque un bébé mais la répartie facile.
Son début, petit nez
un peu retroussé
les mots, yeux fixés sur la condensation
une grimace hermaphrodite aux lèvres
on ne sait s’il rêve ou s’il a faim
– l’imprécis, c’est inné, se crispe.
Ses petits poings à la fin
bien conformés – serrés.

Un petit poème.
Incertain encore il respire en couveuse
la salle de soins intensif est pleine
de petits et grands poèmes enfermés
dans leurs cocons de plastique translucide.
Petits ou grands toujours prématuré
de savoir s’ils vivront.

Un petit poème. Et si ce qu’à Dieu ne plaise
l’oxygène pour finir ne suffit pas
on se console – au moins se dit-on
il a coupé à la marche vaine
qu’ont dû s’appuyer les grands aux pieds nus
les donsquichottesques.
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LA PIERRE PÉRIPHRASE

Parle.
Dis quelque chose, n’importe quoi.
Mais ne reste pas là comme une absence en acier.
Choisis ne serait-ce qu’un mot,
qui te liera plus étroitement
à l’indéfini.
Dis :
« en vain »,
« arbre »,
« nu ».
Dis :
« on verra »,
« impondérable »,
« poids ».
Il y a tant de mots qui rêvent
d’une vie brève, sans liens, avec ta voix.

Parle.
Nous avons tant de mer devant nous.
La où nous finissons
La mer commence.
Dis quelque chose.
Dis « vague », qui ne tient pas debout.
Dis « barque », qui coule
quand trop chargée d’intentions.
Dis « instant »,
qui crie à l’aide car il se noie,
ne le sauve pas,
dis
« rien entendu ».

Parle.
Les mots se détestent les uns les autres,
ils se font concurrence :
quand l’un d’entre eux t’enferme,
un autre te libère.
Tire un mot hors de la nuit
au hasard.
Une nuit entière au hasard.
Ne dis pas « entière »,
dis « infime »,
qui te laisse fuir.
Infime
sensation,
tristesse
entière
qui m’appartient.
Nuit entière.

Parle.
Dis « étoile », qui s’éteint.
Un mot ne réduit pas le silence.
Dis « pierre »,
mot incassable.
Comme ça, simplement
Pour mettre un titre
à cette balade en bord de mer.

Du recueil " Le peu du monde "
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À UN BANLIEUSARD
Le Cygne et Léda, sculpture

Le printemps va d'abord en banlieue,
tu es le premier à voir, quelle chance
la victoire des couleurs,
telle que la décrivent les champs
et tous les genres de terre qui désirent fleurir.

Le besoin de t'imaginer
a une odeur de printemps,
alors je t'imagine, mais oui
t'approchant lentement de la fenêtre
et l'ouvrant d'un geste lent
pour prendre avec lenteur ta dose
du changement versé sur la terre.
Tu es ému par le rouge lourd, absolu
qu'ont réussi les coquelicots,
et te trompant joyeusement tu dénombres
les innombrables ailes blanches des camomilles,
fin prêtes pour bien migrer, demain, après-demain.

Et dans tout ce changement
d'un monde valeureux
le plus changé, le plus valeureux c'est Zeus.
Métamorphosé en cygne
il conquiert Léda.

Ce qui secoue un bon coup le printemps
et bénir les métamorphoses.
Cette étreinte ouvre pour toi
un accès plus profond à leur sens
que l'ouverture des pistils
des étamines et des pétales.

Si seulement Zeus était mon voisin
et nous métamorphosait.
Moi, en dame de Manet
parmi les coquelicots,
et toi,
en cri joyeux
tandis que tu me reconnais
Sous mon ombrelle en camomille.
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Je tiens une fleur, je crois
Bizarre.
On dirait qu’un jour dans ma vie
un jardin est passé.


Dans l’autre main
je tiens une pierre
L’air gracieux, arrogant.
Sans me douter qu’il y a là pour moi
l’annonce d’altérations,
et l’avant-goût de résistances.
On dirait qu’un jour dans ma vie
une ignorance est passée.


Je souris.
La courbe du sourire,
le creux de cette humeur,
semble un arc bien tendu,
fin prêt.
On dirait qu’un jour dans ma vie
une cible est passée.
Une aptitude à la victoire.

Le regard plongé
dans le péché originel :
il goûte au fruit défendu
de l’espoir.
On dirait qu’un jour dans ma vie
une foi est passée.

Mon ombre, simple jeu de soleil.
En uniforme d’hésitation.
Elle n’a pas encore eu le temps
d’être pour moi compagne ou délatrice.
On dirait qu’un jour dans ma vie
une suffisance est passée.

Toi, tu n’apparais pas.
Mais pour qu’il y ait dans le paysage un précipice,
pour que je sois au bord
tenant une fleur
et souriant,
c’est que tu ne vas pas tarder.
On dirait qu’un jour dans ma vie
la vie est passée.
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J’aimerais tant savoir enfanter
de petits poèmes.
...
Un petit poème.
Presque un bébé mais la répartie facile.
Son début, petit nez
un peu retroussé
les mots, yeux fixés sur la condensation
une grimace hermaphrodite aux lèvres
on ne sait s’il rêve ou s’il a faim
– l’imprécis, c’est inné, se crispe.
Ses petits poings à la fin
bien conformés – serrés.
...
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