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Citations sur Le peu de monde (suivi de) Je te salue jamais (57)

“CALCHAS

Je ne dors pas, je ne dors pas,
j'aide la nuit à s'agrandir,
à s'élargir,
à effacer les petites lumières, parasites.

Je ne dors pas, je ne dors pas,
j'exerce de noirs “c'est exclu”
je lance des “c'est exclu” exercés
qui déchirent quelques dernières étoiles.

Je ne dors pas, je ne dors pas,
je change de sexe, deviens minuit.
Où me mèneras-tu, abattement,
je te retrouverai quelque part
puisque j'ai prêté serment d'insomnie.
Mes doses de somnifères
dorment comme des anges
et mon cerveau qui veille
les berce tout doucement.

Je ne dors pas, je ne dors pas,
j'aide la nuit à s'agrandir,
j'écris des slogans aux murs des rêves
à bas les levers du jour des élevages de poules,
à bas les magouilles des espérances
et on vous construira des maisons
et on vous fera des routes
et on vous apportera la pluie
et du vent, et du vent.

Je ne dors pas, je ne dors pas
j'attends un dernier vieux fond d'obscurité
pour entrer chez le devin Calchas.
Je vais le tuer.
Il m'a plongée dans tout un sacrifice
pour que tu respires.
Mais toi, insomnie, tu te niches
sur chaque prophétie
en prenant bien ton temps.”
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J’AI ACCEPTÉ DE NE PAS SAVOIR
  
  
  
  
Je quitte le monde des mystères
tranquillement.
Jamais de ma vie je n’ai fait de mal à une énigme :
je n’en ai résolu aucune.
Même pas celles qui voulaient mourir
aux côtés de mon enfance :
j’ai dans mon petit tonneau deux petits vins différents.
Je l’ai gardée jusqu’à présent
intacte inexpliquée,
car jusqu’à présent
deux petits vins différents, c’est ce que contient
tout ce qui m’arrive, soluble ou insoluble.
J’ai cohabité rudement
avec un grand moine qui n’a pas d’os
sans jamais lui demander
de quel feu il est le fils,
vers quel dieu il monte et me quitte.

Je n’ai pas réduit le nombre
des êtres masqués du monde,
j’ai nourri le mystère du monde
par sacrifices et privations.
Avec le sang qui m’a été donné
pour l’expliquer.

Ce qui est venu les yeux bandés
avec des intentions cachées
je m’en suis séparée
tel que je l’avais reçu :
Énigme empruntée,
énigme rendue.
J’ai accepté de ne pas savoir
comment se résout un hier,
un ça dépend,
l’énigme des asymptotes.
J’ai accepté de ne pas savoir ce que je touche,
un visage ou un je suis pressé.

Toi je ne t’ai pas non plus tiré dans la lumière
pour mieux te voir.
Je suis restée Pénélope
dans ton incurie obscure.
Et si une fois j’ai demandé comment te résoudre,
et si tu es source ou fontaine,
ce devait être un jour d’été
où, Pénélopes ou non,
s’empare de nous ce démon de l’eau
pour que grâces soient rendues à l’énigme
de ce que nous gardons notre soif.
Je quitte le monde des mystères
tranquillement.
Sans péché :
avec ma soif.

Vers l’énigme de la mort
je m’en vais bravement.


/Traducteur Michel Volkovitch
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LE OU EXCLUSIF
  
  
  
  
La pluie m’a enfermée
je me retrouve dépendante des gouttes.

Mais comment savoir si c’est de la pluie
ou des larmes du ciel intérieur d’un souvenir?
On ne peut plus nommer à mon âge
les phénomènes sans réserves,
ici la pluie, ici les larmes.

Je reste sèche entre
deux éventualités : pluie ou larmes,
et deux ambiguïtés :
pluie ou larmes,
amour ou effet de l’âge,
toi-même ou petit balancement d’adieu de l’ombre
de la dernière feuille.
Chaque dernier,
je le nomme dernier sans réserves.

Et puis j’ai trop avancé en âge
pour que cela mène aux larmes.
Larmes ou pluie, comment savoir ?
Et je reste dépendante des gouttes.
À mon âge

on ne s’attend plus à deux poids deux mesures
selon qu’il pleut ou non.
Des gouttes pour tout.
Gouttes de pluie ou larmes.
Tombées des yeux d’un souvenir, ou des miens.
Moi ou le souvenir, comment savoir ?
À mon âge on ne sépare plus les temps.
Pluie ou larmes.
Toi-même ou petit balancement d’adieu de l’ombre
de la dernière feuille.


/Traducteur Michel Volkovitch
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CRAVATE NOIRE

[…]

Écris que je pleure à cause des mères.
De mes mères plus anciennes.
Des fines et belles
amantes aux fenêtres,
que le mort a surprises inabouties
et qui traînent leurs journées, maternelles
sur les photographies d’un salon
et les broderies.

Je pleure à cause des lumières qui s’allument
et de dimanche ce chat pelotonné
à ma fenêtre.
La peur met ses beaux habits
et attend.
Écris.
Que je pleure à cause des cyclones,
du peu de nourriture,
de tous les Peu,
des séismes
qui ne préviennent pas.

Je pleure car elle est venue en vain,
la nouvelle qu’hier tu as vu
le premier papillon.
je pleure car l’éphémère n’est pas une nouvelle.

Écris. Je pleure
car le hasard s’est enfermé chez lui,
le sursis est arrivé au bourreau,
la gourde est arrivée au désert,
la Jeunesse est arrivée à la photo.
Je pleure car qui sait qui fermera
les yeux de mes jours.

Arrose toi-même la plante
et laisse-moi pleurer car…


/Traducteur Michel Volkovitch
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PAS UN CADEAU
  
  
  
  
Quel délice que la vie à cause d’elle
et de quelle abnégation font preuve
les rêves la religion et autres inventions
tombant dans leur non-vie écumante
pour sauver le pénible.

Routes miséreuses et routes royales
se bousculent dans une même fuite
poursuivies par le même souvenir
de notre mortalité.
L’oubli, cachette plus fragile qu’une ombre.
L’homme se fait aisément connaître par son destin
dans des circonstances, comme les promettent les psaumes,
exceptionnelles ; là, point de douleur.

Ô soulagement inhabité.
Ainsi donc elle nous quitte, la tristesse,
il se tait, cet hymne
national de notre existence ?
Et le soupir, ce faux brave, s’évade ?
Il s’en va donc, ce petit nuage des poumons
ce ventilateur du silence ?
Le soupir

prénom du soulagement nom de l’asphyxie
funiculaire de notre poids abrupt
masque respiratoire de nos tourments et
océan dans une goutte comme nous-même.

Vraiment, tout cela se perd ?
Alors, quels couverts, quel goût
pour nous empiffrer de toutes
ces circonstances exceptionnelles ?

Quelle comédie quelle comédie.


/Traducteur Michel Volkovitch
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Mégot à la bouche des cheminées
extrait 3
  
  
  
  
Je suis prête ? je serre bien ma trousse, que ma décision
ne déborde pas de mots elle aussi.
Je me décroche de mon courage.
Le clou peut bien rester – petite miette
nourrissant ma trace.

J’ai tout pris ? Rendu le mètre-ruban ?
Toutes le choses que j’aimais, m’ont-elles rendu ce tant d’amour ?
Celles que je n’ai pas comprises
dans quel pardon que je ne donne pas tiendront-elles ?

Je dois jeter un coup d’œil récolteur
d’indispensables impardonnables par moi égarés.
Enfin ! Ce que j’ai oublié de vivre
je l’offre à la négligence d’un autre.
Je ne peux tout soulever d’une main.
L’autre tu l’as gardée comme souvenir.
De l’instant où tu l’as éternellement lâchée.


/ Traduit du grec par Michel Volkovitch
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Mégot à la bouche des cheminées
extrait 2
  
  
  
  
Je ne dois garder qu’une ou deux lettres certifiant
– mon départ doit gagner sa croûte –
que je sais pouponner l’inefficacité
accompagner les oublis vieillards sur les bancs
les places et les points-limite, où précisément
viennent les cars-tunnels
déverser les enfants des écoles.
Que je travaillais volontiers aux côtés de l’aquarelle.

Ma préférence évidemment sera d’embarquer
comme soutier du souvenir
et devenir le temps très lent des bateaux du fleuve
quand nous contemplions leurs parlotes
sous des ponts mordus, rongés
que le brouillard jetait sur les rives.



/ Traduit du grec par Michel Volkovitch
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Mégot à la bouche des cheminées
extrait 1
  
  
  
  
Je progresse vers le moins.
Le bail avec notre naissance expire un jour,
Tant qu’elle vécut notre mère l’a renouvelé,
nous habillant comme des enfants jusque dans son regard,
voués par elle à l’immuable.

Peu à peu je vide ce que j’ai pu – des chiffons,
Pour m’en aller plus légère. Je déchire
le calendrier où s’inscrivait l’issue,
à quoi bon trimballer des pierres ?
Malles pleines de haut-parleurs, brevets de pirate de l’air
petits cadeaux qu’on échange avec son plus cher mensonge
- ce qu’on donne est donné
qui le reprend meurt dans l’année –
vaisselle dans le buffet
des douzaines de piles d’invités
tant pour la viande et tant pour le dessert
pour le thé le café le cafard.



/ Traduit du grec par Michel Volkovitch
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“Elles raccourcissent les journées, raccourcissent
pour s’angoisser moins longtemps.”
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« Coûteuse idée, la vie.
On affrète un monde
Pour faire le tour d’une barque. »
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