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Critique de Enroute


Citant les auteurs de l'Antiquité qui tous témoignent de manière unanime de la couleur de peau et des types morphologiques des anciens Egyptiens, Cheikh Anta Diop aboutit à cette certitude : l'Egypte était un royaume "nègre" (comme il dit).

Cette thèse a des répercussions immenses : par exemple, que toutes les autres civilisations se soient construites sur une culture et un savoir bâtis par des populations nègres. Nous en arrivons à inverser la situation politique mondiale : ce n'est plus l'Occident qui a colonisé l'Afrique, mais l'Afrique qui a colonisé le monde, y compris culturellement. Et si l'on enseigne et l'on croit autre chose en Occident et qu'on le fait savoir en Afrique même, c'est à la manipulation historique, à la facticité des affirmations d'une pseudo-supériorité raciale et à l'intention de maintenir les populations dans l'ignorance et la passivité en la convainquant de son infériorité qu'il faut l'imputer (dixit Diop toujours bien sûr).

Ainsi, on sait que les Grecs se sont formés en Egypte (Thalès, Platon, etc), que la Péninsule arabique a longtemps été sous domination du Royaume de Saba en Ethiopie, que les Phéniciens, également nègres, ont essaimé en Méditerranée... Déclinant cette idée, et continuant de citer les sources antiques (Strabon, Diodore de Sicile, Hérodote, mais aussi l'ancien testament), Cheikh Anta Diop en arrive à faire des rapprochements confondants : la circoncision et l'excision dont l'origine, dit-il, ne s'expliquent pas clairement dans les systèmes religieux qui les mettent en oeuvre trouvent une explication cosmogonique très claire en Egypte qui les avaient adoptées bien avant les autres civilisations. de même, le monothéisme est légué aux populations juives qui quittent l'Egypte avec Moïse et le panthéon divin aux Grecs et, en vérité, à tous les peuples méditerranéens. L'Enéide et l'Orestie se justifient par une volontaire prise de distance identitaire par l'adoption du patriarcat plutôt que le matriarcat, caractéristique, paraît-il de l'Egypte ancienne.

De fait, l'historien ne se trouve pas de limites et fournit même des racines égyptiennes à des éléments culturels essentiels à la culture européenne et au pays colonisateur francophone... Motus et bouche cousue : il faut garder un peu de mystère et il serait ridicule d'écrire en deux mots des surprises qui sont dévoilées par des constructions de plusieurs dizaines de pages... Mais cela vaut vraiment le détour...

Beaucoup d'autres choses sont présentes dans ce texte très riche et très hétéroclite qui démontre une quantité de travail impressionnante de la part de l'auteur et la persévérance avec laquelle il l'a mené. Il n'est pas assuré que la totalité de ses assertions soient avérées, il me semble que les contradictions ne sont pas rares et le discours est sans doute trop apologétique, mais il se peut que ce soit avec ce genre d'ouvrage très documenté que s'engagent des argumentations détaillées de nature à provoquer des corrections dans les modes d'écriture des histoires culturelles. Quoiqu'il en soit, c'est un vrai plaisir de lecture et une ouverture d'esprit fantastique pour un néophyte des cultures africaines... A lire comme un roman.
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