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Critique de Nastie92


Quand Chahdortt Djavann a quelque chose à dire, elle n'y va pas par quatre chemins.
J'avais déjà apprécié sa prose directe et percutante dans son excellent pamphlet Bas les voiles et je suis heureuse de la retrouver ici.

Ce roman au titre provocant met en lumière des pratiques répandues dans tout l'Iran : "La prostitution est partout, au coin de chaque rue. Gamines de douze, treize ans, étudiantes de l'université, divorcées ou même femmes au foyer... C'est pas ironique ça ? Une république islamique avec tant de gardiens de la morale et tant de putes ! Tout se fait en catimini, sous le tchador, sous le voile, sous le foulard."
Chahdortt Djavann dénonce l'hypocrisie de la société iranienne.
Une hypocrisie profonde, extrême et meurtrière.

Le récit fictif redonne vie à des prostituées qui ont été assassinées.
Le temps d'un livre, elles ont la possibilité de raconter leur histoire, prenant le lecteur à témoin des mauvais traitements qui leur sont infligés et des injustices qui leur sont faites.
Quiconque lit cet ouvrage ne peut rester insensible devant toutes ces vies brisées, et plus généralement devant la façon scandaleuse dont les femmes sont systématiquement brutalisées au pays des mollahs.

La société "religieuse" iranienne est fondée sur un principe simple : la moitié des citoyens a tous les droits sur l'autre... je vous laisse deviner qui sont ces deux moitiés.
Les femmes ne sont là que pour satisfaire les hommes, et n'ont droit à aucune existence propre. Gare à celles qui se rebellent : elles se mettent automatiquement en danger de mort (atroce de préférence).
L'obligation, sous un faux prétexte religieux, du port du tchador sert à cacher celles qui ne sont pas des hommes, à les invisibiliser dans l'espace public, à leur dénier le droit d'avoir une existence.
Une phrase l'exprime parfaitement en très peu de mots : « un tchador noir marche sur le trottoir ». Voilà : la femme n'est plus qu'un objet.

L'écrivaine courageuse dénonce la « morale des tartuffes » de ces hommes qui organisent une société dans laquelle la prostitution est officiellement interdite mais qui sont fous de sexe. Des hommes qui usent et abusent de nombreuses femmes mais qui considèrent qu'une femme qui n'est plus vierge est une « marchandise abîmée » dont il convient de se débarrasser.

"La chance est une denrée rare et il faut apprendre à s'en passer. L'immense majorité de l'humanité n'en a pas une once." : il est vrai que, côté chance, les Iraniennes sont loin d'être les mieux loties.
Mahsa Amini, arrêtée par la police des moeurs et décédée le 16 septembre 2022, n'est hélas qu'un exemple parmi d'autres victimes de la folie des hommes qui entendent régenter la vie des femmes et s'arrogent le droit de vie et de mort sur la moitié des habitants de leur pays.
Le tout dans la plus grande indifférence et le silence le plus assourdissant des soi-disant féministes occidentales trop occupées sans doute à se battre pour l'écriture "inclusive" dont on se demande bien ce qu'elle inclut. Pas le sort des femmes iraniennes en tout cas.

Cette lâcheté criminelle me révulse. Me dégoûte au plus haut point et me donne envie de vomir, bien plus que la crudité des mots de Chahdortt Djavann.
D'ailleurs, si la lecture de cet ouvrage sans filtre vous heurte, demandez-vous ce qui est le plus choquant, entre un texte cru qui est fait pour rendre compte de faits réels atroces et l'atrocité même de la réalité.

Un texte puissant et dérangeant, qui soulève le coeur à de nombreuses reprises.
Une violence nécessaire pour heurter et interpeller le lecteur.
Un livre courageux qui va droit au but et que l'on devrait faire lire à tous les jeunes qui rêvent de jihad, filles et garçons.
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