AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Chahrazed11


La lecture du Voile du silence m'a troublé. En effet, le titre annonçait une énième thèse sur l'aspect liberticide ou au contraire libérateur ou libertaire du voile islamique. Or, il n'en est rien…ou presque. Ce témoignage sincère d'une Algérienne désabusée démontre que le voile en tant qu'objet est loin d'être l'unique moyen d'enfermer et de soumettre le corps des femmes issues d'Etats théocratiques comme l'Algérie à la violence d'un système patriarcal qui n'a que trop duré et qui dure toujours.
Le père, le frère et la mère de Djura ne lui ont pas imposé uniquement un voile sur ses cheveux, mais un voile sur sa voix, son corps, son coeur, sa vie, ses désirs, son amour, sa passion pour l'art, le cinéma, la poésie, la philosophie et la chanson. Elle a malgré tout lutté pour faire entendre la voix des « femmes maghrébines » des années 60 (qu'elles soient en France ou en Algérie). Ce témoignage nécessaire démontre le destin des Algériennes oubliées, de ces éternelle colonisées, ces éternelles dangers à abattre, à battre jusqu'à la mort, au moindre doute sur leur chasteté.
A travers ce témoignage, l'auteure traite d'une question fondamentale dans la culture et le culte musulman : celle du statut de la femme dans une société (ici) algérienne connue pour son aspect révolutionnaire mais qui revendique l'émancipation des seuls hommes. Les femmes peuvent certes revendiquer des droits, mais seulement si ces droits (ex : le droit de porter le voile) coïncident avec leurs intérêts de mâles dominants.
Cette société algérienne post-indépendance que nous raconte Djura est une société où la naissance, le mariage, la descendance et la mort des femmes appartiennent à la seule volonté des hommes. Avant de devenir étrangère en France, la petite Djura avait déjà gouté au gout amer de l'étrangeté. Nourrisson, la petite fille a vécu ce que tout étranger vit dans son pays d'accueil : le rejet. Or, Djura n'a pas été rejetée par des étrangers mais par sa propre mère. Et sa propre mère ne l'a pas rejeté parce qu'elle ne voulait pas d'enfant, mais parce qu'elle ne voulait pas de fille. Sa mère ne voulait donc pas voir grandir un risque pour l'honneur de son époux et de son cher premier fils. Et elle avait raison d'avoir peur. Car cette petite fille a elle aussi rejeté le rejet de son corps et a réussi à briser la chaine de la reproduction de la soumission volontaire des femmes à la tyrannie des pères, des frères, des époux et même de fils qui n'ont que la violence comme mode d'expression avec les femmes insoumises.
Commenter  J’apprécie          70



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}