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Critique de Frederic524


Dans son nouveau livre « le Rêve de l'assimilation, de la Grèce antique à nos jours« , publié chez Passés/Composés, Raphaël Doan est sans langue de bois, il fustige l'hypocrisie de ceux de nos politiques qui n'assument plus le modèle français d'assimilation. Toute assimilation qui ne s'assume pas est vouée à l'échec. Alors que le vote par l'assemblée nationale de la loi sur le séparatisme a opposé ceux, à gauche, pour qui cette loi est une stigmatisation des musulmans de France, tandis qu'à droite on soulignait le manque de fermeté contre l'islam radical, le débat sur le modèle d'intégration fût encore des plus vif. le débat depuis une dizaine d'années sur « l'identité nationale » cache en réalité une crise de l'assimilation. L'ouvrage de Raphael Doan « le Rêve de l'assimilation, de la Grèce antique à nos jours » est percutant, salvateur, servi par une plume limpide, une analyse d'une profonde acuité intellectuelle, érudite, brillante à même de confronter les modèles, les pratiques d'assimilations à travers différentes périodes historiques. Selon la civilisation, l'époque, l'assimilation ne recouvre pas les mêmes significations, les mêmes enjeux. On sait le modèle assimilationniste français malade, nul doute qu'un livre d'histoire aussi revigorant, vivifiant pour l'esprit, permettra de lancer des pistes de réflexion afin de mieux saisir les enjeux de ce qui est au coeur des débats de la société française aujourd'hui. Que doit-on penser de l'assimilation ? Est-ce une pratique acceptable, néfaste ou bénéfique ? Autant de questions auxquels ce livre tente de donner plus que des pistes de réflexion, même si comme il le précise , « l'analyse historique n'a pas à poser de jugements de valeur (…). » Ce que ce livre peut, c'est aider à réfléchir aux problèmes cruciaux qu'affronte notre société. L'assimilation est souvent une pratique impériale lorsqu'un Etat conquiert de nouveaux territoires et veut assimiler ses habitants. S'il est xénophobe ou essentialiste, il choisira la voie de la ségrégation comme ce fût le cas pour les premiers empires hellénistiques ou bien encore dans l'Empire britannique. Dans l'Empire romain, puis en France, on fît le choix de l'universalisme et donc de l'assimilation. Mais dans les colonies françaises, cette promesse fût toujours repoussée. Napoléon III ne croyait ainsi pas à l'assimilation des musulmans d'Algérie alors qu'à la fin des années 1950, au moment où l'Algérie semblait inéluctablement échapper à la France, on fît, à la hâte, promulguer des lois pour « assimiler » des musulmans, trop longtemps tenus en dehors des affaires les concernant, par les colons pieds-noirs. En métropole, après la première guerre mondiale, face au creux démographique causé par la guerre et à l'afflux d'une nouvelle immigration dans l'entre deux guerres, la loi sur la nationalité du 10 août 1927 est adoptée. C'est un tournant crucial car sa circulaire d'application est la première occurrence dans le droit français de la notion d'assimilation. Plus tard, le régime de Vichy s'opposa, par racisme viscéral, à l'assimilation républicaine qui avait cours par exemple sous la IIIème République. Ce fût une parenthèse dramatique. Dans les années 1970-1980, l'idée d'assimilation évolua et on lui préféra d'autres termes moins connotés. C'est toute l'histoire de cette idée d'assimilation jusqu'à nos jours qui est passionnante. Aujourd'hui, c'est dans les pays d'immigration que l'on retrouve l'assimilation. Cette dernière est incompatible avec le racisme. On peut songer au sort des Noirs américains durant la ségrégation. L'assimilation n'a encore jamais fait l'objet d'une étude transversale. On se pose ici la question des objectifs et des pratiques politiques avec les questionnements suivants : pourquoi voulait-on assimiler ? Comment s'y prenait-on ? L'ambition du livre de Raphaël Doan est d'offrir un panorama aussi large que possible « des pratiques d'assimilation à travers l'histoire, de l'Antiquité à nos jours« . Il explique dès l'introduction ce qu'est l'assimilation et ce qu'elle n'est pas avant de se lancer dans une analyse passionnante de six civilisations différentes : la Grèce, Rome, le monde arabe, la France (coloniale puis métropolitaine), le Japon et les Etats-Unis dans leurs rapports à l'assimilation. Sa maîtrise des différentes périodes historiques, la rigueur de son analyse, sa culture impressionnante qui embrasse tous ces horizons historiques, font de ce livre d'histoire de Raphaël Doan, un indispensable pour qui souhaite maîtriser et mieux saisir les enjeux de ce débat qui enflamme la société française tout entière et cela depuis très longtemps. L'ensemble se lit avec un grand plaisir, une nourriture intellectuelle et une approche innovante qui se révèlent très riches pour l'esprit. Les tensions migratoires, la mondialisation, autant de problématiques on ne peut plus contemporaine qui sont soulevées par ce livre. La pratique cherchant à exiger de l'étranger qu'il devienne un semblable remonte à l'Antiquité. On retrouve ainsi un chapitre passionnant sur l'hellénisation du Proche-Orient suite aux conquêtes d'Alexandre le Grand. Un autre est consacré à l'universalisme romain, terreau de l'assimilation, avec les quatre outils qui furent essentiels aux différentes formes d'assimilation romaine : la ville, l'armée, la langue et la culture. Beaucoup plus loin dans le temps, au XVIIIème et XIXème siècles, selon les nations et les régions du monde, des chemins impériaux différents, certains se dirigeant vers la ségrégation et le racisme, d'autres vers un multiculturalisme plus ou moins libéral, d'autres enfin vers l'assimilation des colonies. Même si elle est souvent perçu comme une contrainte aujourd'hui, l'assimilation est toujours associé à l'universalisme alors qu'à l'inverse son refus, son rejet est le fait du racisme et de la xénophobie. La thèse défendue par Raphaël Doan : l'assimilation n'est pas synonyme de repli sur soi mais bien au contraire le signe des sociétés ouvertes. « Faut-il rendre nos sociétés diverses plus homogènes ? Quel type de culture, quel rapport à nous-mêmes et à autrui voulons-nous ? » Autant de questionnements passionnants auxquels ce livre d'histoire s'attache à donner des réponses claires et pertinentes. Un livre qui suscite le débat et comme le dit Raphaël Doan, à chaque lecteur de se forger sa propre opinion.

Je remercie chaleureusement les Éditions Passés/Composés ainsi que Babelio pour cette lecture et leur confiance !

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