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Critique de cprevost


Si « La cité des nuages et des oiseaux » ne vous fait pas un peu quelque chose, ne vous rapproche pas vaguement de l'essentiel, c'est à rien n'y comprendre. Sous la plume d'Anthony Doerr, c'est la guerre, la querelle, des manières de rois, des fronts prosternés, l'enfant de la femme inutilement né, la terre déchiquetée qui sont tour à tour exhibés. Maria la petite brodeuse grecque mourra d'être dans la proximité de quelques livres ; Anna fuira les murs de Byzance assiégés un incunable dans la poche ; Omeir, le paysan Bulgare, misérablement cachera son bec-de-lièvre et le livre au fond d'un ravin ; Zeno ravalera toute sa vie durant son grecque et sa différence ; Seymour, l'autiste cerné par le bruit, fou de nature, passera son existence entière en prison ; Konstance quant à elle échappera à un leurre pour une Terre sans vie.


Anthony Doerr avec son dernier roman nous fait ainsi douloureusement traverser le temps et l'espace. Il nous enrôle de force dans l'armée assiégeant Constantinople, il nous assigne à résidence dans une bourgade étasunienne, il nous enferme hermétiquement dans un vaisseau spatial fuyant l'invivable planète bleue. Il fait tout cela à la fois pour mettre à jour en littérature quelque chose de neuf et d'effrayant. Il enchaine ce qui se passe à tel moment, en tel lieu et ce qui se passe à un autre moment, ailleurs. le fil rouge de tous ces récits, de tous ces lieux, de toutes ces époques, ce qui couture de ses vingt-quatre points le roman, c'est un texte malmené de la Grèce antique. L'incunable passe d'Anna à Omeir, de Zeno à Seymour et Konstance, il célèbre ainsi le nécessaire pouvoir de l'écrit, de la mémoire et de l'imaginaire.


La composition, cet art de mettre ensemble, d'organiser les éléments du roman, constituent à l'évidence la belle part de « La cité des nuages et des oiseaux ». le récit ne respecte pas toujours l'enchainement chronologique des évènements, il débute ainsi au coeur de l'action : avec Konstance en 2147, passagère d'un vaisseau interstellaire à destination de Beta OPH 2 ; avec Zeno et Seymour en 2020, à Lakeport Idaho. Une vingtaine de chapitres sont consacrés à la petite cité étasunienne dans ce monde contemporain en perdition ; près d'une quinzaine d'autres au vaisseau Argos et au probable futur ; une bonne dizaine enfin à la Constantinople moyenâgeuse et à la guerre qu'on y mène. Dans la première partie du roman, les trois univers alternent dans le récit en donnant une place plus importante cependant au contemporain et à l'histoire. Dans la seconde, à deux exceptions près, c'est le contrepoint entre Argos et Lakeport. Ce savant dosage, avec une embardée en pleine guerre de Corée, donne de la profondeur à cette collapsologie littéraire. Il donne également de l'espoir car c'est bien de cette littérature vitale, durable dont il est question dans ces pages : celle qui toujours imagine des mondes.
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