Juge Amerotké, tome 5 : Les trois morts d'Isis

L'endroit grouillait de monde : marchands venant des autres rives de la Grande-Verte, mercenaires aux cheveux blonds originaires des iles nordiques, Nubiens aussi noirs que la nuit, négociants aux visages sévères du pays de l'encens, Phéniciens, Syriens, Cananéens et même des Hittites avec leur drôle de figure rappelant un perroquet, leurs cheveux dressés haut sur la tête et retombant sur les épaules comme la crinière d'un cheval.

Selon lui, la vie était le reflet de la nature et du Nil. Le grand fleuve s'écoulait, les saisons se succédaient.

Il était arrivé à Amerotkê de se demander si les dieux n'étaient pas de simples morceaux de bois ou d'argile, produits de l'imagination tourmentée des humains , désespérément en quête de réponse aux drames et mystères de l'existence.

Écrire est la meilleure des professions, elle procure plus de plaisir que le pain et la bière, plus de satisfactions que les vêtements et les pommades.

Ces vierges dressées au service de la Divine Mère aimaient bavarder, chanter et danser, et rêvaient sans doute à des amourettes avec un prêtre ou un garde. Elles attendaient avec impatience les prochaines fêtes qui leur apporteraient la visite de leurs parents et amis. Et voilà que quatre d’entre elles disparaissent en l’espace de cinq mois sans laisser de traces !

Pourquoi nos filles voudraient-elles s’enfuir ? Ici, elles sont protégées, choyées. C’est la seule vie qu’elles connaissent. À l’extérieur, elles seraient comme de jeunes gazelles lâchées au milieu d’une meute de hyènes voraces. Aussi, voyez-vous, seigneur Amerotkê, je crois que ces filles sont toujours ci. Que notre Déesse Mère ait pitié de nous. Elles ont pu être tuées et leur corps enterré. Le temple d’Isis est comparable à une petite ville. Nous avons des jardins étendus, des vergers… Certains endroits sont relativement déserts.

Le véritable crime, en effet, n’était pas le vol mais le fait d’avoir perturbé le monde des morts. Ce qui arrivait à leur enveloppe corporelle ici-bas se répercutait sur leur Ka dans l’autre monde.

Nous n’avons pas besoin de leur argent et tu le sais très bien. Ils veulent seulement rembourser nos bons soins et notre talent. C’est une pratique courante, également dans d’autres temples. Dans notre budget, ces donations ne représentent qu’une goutte d’eau dans un lac.

Quatre jeunes filles de notre temple ont disparu. Des chanteuses et des danseuses vouées par leurs familles au Saint des Saints, à la gloire de la Déesse Mère, des vierges ayant fait voeu de ne jamais quitter ces lieux qui leur offraient la sécurité. En l’espace de quelques mois, quatre de ces jeunes filles ont disparu sans laisser de traces.

Les Égyptiens vouent un profond respect pour toutes les choses de la nature. Animaux, plantes, fleuves et rivières sont considérés comme sacrés, tandis que leur maître, Pharaon, est l’incarnation de la volonté divine.