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Critique de thedoc


45 pages, quelques minutes à vide.
Le temps de lire, en apnée, les mots qui ne sortent pas.
Les mots que je lis et que je ressens.
Ils sont là , ces mots, enserrés, bloqués, qui s'étouffent dans ma gorge.
Je suis là, à sourire, comme tout le monde, mais ailleurs.
Face à lui, le vide.
Voir ses mains, "ses mains en travers", qui touchent et chatouillent.
Ses mains qui se posent, là où elles veulent.
Pas anodines, pas légères.
Insistantes, insidieuses, fallacieuses.

"L'instant de la fracture" est un court texte en vers libres. On le lit en un souffle rauque, le ventre dur. C'est une lecture physique, comme tous ces livres de la collection "Ego". Antoine Dole écrit ce que le narrateur ne peut dire. Il décrit ce que les autres ne peuvent voir. Son père a abusé de lui lorsqu'il était enfant. Lui, maintenant adulte, celui que ses frères et soeurs trouvent toujours trop triste, trop "à faire la gueule" pendant les repas, subit ces réunions de famille comme une grande farce sinistre. Comment leur dire ce qui le ronge depuis toutes ces années ? Comment leur expliquer le dégoût face à cet homme, aimé et aimant ? Ce serait la fin d'un monde, la fin de leur monde.

Etre victime d'abus sexuels est une ignominie. Etre victime d'abus sexuels au sein de sa famille, est une double ignominie. Car la parole porte en elle le devenir de la famille. La parole porte en elle la force des liens qui les unit les uns aux autres. La parole porte en elle ce que personne ne souhaite entendre. Antoine Dole a trouvé les mots justes et les émotions exactes mais ce texte est tellement de l'ordre de l'intime que tous les lecteurs ne pourront pas forcément y être sensible.

"L'instant de la fracture"... de la nécessité de dire l'indicible et de l'impossibilité de le faire. A moins que peut-être...
"Cette douleur.
Un jour.
Je te la promets.
Je parlerai.
Et il ne restera plus rien de toi.
Tu disparaîtras dans ce cri.
Dans cette lumière.
Dans cette vérité."
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