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Critique de IrishStew


Voici un autre album d'Agnès Domergue que je convoitais depuis bien longtemps (l'album, pas Agnès), illustré par Sandrine Kao. Les deux mesdames sont musiciennes: l'une altiste, l'autre pianiste, et toutes deux partagent l'amour des lettres. Les voici donc réunies sur cet album qui contient pléthore de clins d'oeil musicaux. La plupart sont d'ailleurs expliqués par l'auteure en fin d'album: le Monsieur Croche de Debussy, recueil de critiques, lettres et réflexions du compositeur dont je vous recommande d'ailleurs la lecture (il est édité chez Gallimard, L'Imaginaire), le prénom Hector emprunté à Berlioz, le nom de la rue Primrose emprunté à l'altiste écossais William Primrose qui a fait reconnaître internationalement les richesses de l'alto.
Tout comme Primrose, Agnès Domergue cherche à faire reconnaître la beauté de son instrument. Si ce dernier avait droit à un petit hommage dans Mee, petite fille du matin calme, il est ici pratiquement personnage principal de l'histoire. Rémi emménage donc dans le même immeuble qu'un vieux monsieur austère qui n'aime pas le bruit et enferme les sons dans des bocaux. le jeune garçon joue lui-même de l'alto. Il est d'ailleurs exaspéré que les gens confondent l'instrument avec le violon:

"Oh, c'est un violon?"
Le petit garçon soupire.
Et très fier, il répond:
"Non, c'est son grand frère, c'est un alto."

Les altistes n'aiment pas trop qu'on les prennent pour des violonistes. Et j'imagine bien Agnès Domergue s'énerver à chaque fois qu'on la présente comme violoniste!
Le son de l'alto finit par amadouer Hector Croche qui libère alors les notes emprisonnées. Il en fait un Concerto pour alto qui est interprété par Rémi. Un clin d'oeil à Telemann ou à Bartók, qui ont composé chacun un concerto pour alto?
L'histoire vise à démontrer que l'alto ajoute de la couleur dans une vie morne et grise. Hector Croche aime le blanc et le noir; quand Rémi emménage, il pleut. Or, dès qu'il se met à jouer, il sort un grand soleil et le son de l'instrument charme l'âme d'Hector. C'est court, clair, net et précis: une histoire comme celle-ci vaut mieux que tous les traités musicologiques longs et ennuyeux. L'alto, très longtemps dénigré et ouvertement moqué (c'est encore valable aujourd'hui), est un instrument qui a pourtant beaucoup à offrir, capable d'imiter les modulations de la voix humaine et des chants des oiseaux, comme son grand frère le violoncelle ou sa cousine la viole de gambe.
Les illustrations de Sandrine Kao sont elles aussi riches en détails. Je l'avais déjà noté dans mon commentaire sur Comme deux confettis. Les notes sont enfermées dans des bocaux, pratiquement par indications de jeu, en fait: les piquées, le cantabile enfermé dans une cage avec un oiseau (cantabile voulant dire chantant en italien!) ou encore doux et expressif. Sur une autre étagère, les notes sont enfermées dans différents bocaux selon leur hauteur: do, ré, mi, fa... Une autre illustration laisse à penser que c'est Hector Croche qui est responsable de la pluie, car on le voit de dos, regardant la famille de Rémi emménager, tandis qu'il tient un bocal dans lequel on peut voir le mot "pluie"; ce même bocal revient quelques pages plus tard avec l'indication de jeu "net et vif". Devinez quoi? Cette indication de jeu est la même que celle de la dernière des Estampes de Claude Debussy, à savoir... Jardins sous la pluie. La boucle est bouclée! D'une manière générale, les illustrations reposent en partie sur du découpage-collage: des morceaux de partition volent dans les escaliers pour figurer la mélodie qui, "doucement, s'est envolée". La synesthésie est toujours là!
Encore une fois, il y a beaucoup de choses à dire sur cet album et j'ai peur d'allonger plus encore cet article. Pour conclure, je dirais que je ne regrette pas d'avoir couru des mois durant après cet album devenu introuvable, vu que la maison d'édition a fermé. C'est album composé par des musiciennes, pour des mélomanes. Comme toujours, le texte et les illustrations sont denses en détails et clins d'oeil, si bien qu'il faudrait plusieurs relectures pour cerner tous ces éléments. Encore chapeau bas mesdames! En espérant vous revoir sur une prochaine collaboration tout aussi génialement réussie et aboutie!
Lien : http://lesjeuneslettres.blog..
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