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Critique de Ellane92


La photo, c'est celle que prend Lorentine avec son téléphone de cette quinzaine de femmes qui, jour après jour, se retrouvent au bord du fleuve, pour transformer des pierres en graviers qui serviront à construire les routes du nouvel aéroport de la capitale. Toutes sont des femmes, jeunes, vieilles, mères ou grand-mères, sans maris souvent, sans protecteurs en tout cas, et toutes ont en commun de n'avoir d'autres recours que de casser des cailloux.
Mais, dans leur pays, tout augmente : le prix des marchandises, de la nourriture, du pétrole. Seul le prix des sacs de graviers reste le même, alors même qu'ils sont revendus bien plus cher. Alors elles se rebellent : ce sont elles qui fournissent la matière première, et s'il n'y a plus de graviers arrachés par la douleur de leurs mains, il n'y aura pas de route. Elles parlent, échangent et se décident : Méréana, parce qu'elle a de l'éducation et parle bien, sera leur porte-parole pour vendre leurs sacs de graviers plus cher. Oui mais, un petit groupe, dans une Afrique corrompue jusqu'à la moelle dans laquelle les femmes sont une sous humanité soumise au bon vouloir de la violence ou a minima de l'autorité de l'homme, a-t-il la possibilité de faire bouger les lignes ?

Photo de groupe au bord du fleuve est un bon livre, qu'il faut lire parce qu'il dénonce la condition inhumaine des femmes africaines, fait état d'un combat qu'il ne faut pas abandonner, et évoque la possibilité d'avoir un peu plus de justice en ce monde (si toutes les femmes du monde voulaient se donner la main…).
Ce livre dénonce la précarité des femmes africaines, la misère, la violence dont elles sont l'objet, leurs humiliations, la corruption du système politique… de façon plutôt originale, en mettant en scène un groupe de femme qui se révolte. Mais cette dénonciation me parait manquer de réalisme. Par exemple, le déroulement de cette histoire me parait peu crédible en premier lieu. L'auteur émaille son récit des histoires terribles de chacune de ces femmes (expropriations, viols, violences, etc) commis en toute impunité par leur mari ou leur famille ; il évoque également, par les histoires des unes ou des autres, ou les bulletins d'information, les disparitions des gêneurs ou d'anonymes, les tirs sur une foule pacifique, etc… La résistance d'une quinzaine de femmes seules non armées, non politisées, non défendues, sans répression ou presque (oui je sais, il y a quelques représailles, mais tellement "peu"), me parait juste impossible. D'autre part, je n'ai jamais réussi à m'immerger totalement dans la vie et les pensées de Méréana. L'utilisation du "tu narratif", sensé je suppose impliquer le lecteur dans l'histoire, m'a au contraire contrainte à prendre de la distance par rapport au personnage de la "meneuse" de ces femmes. de plus, certaines pensées, réactions, ou absences de réactions, m'ont parues peu compatibles avec celles d'une femme, quelle que soit sa nationalité ou sa culture. Au final, j'ai eu l'impression qu'un homme écrivait avec sa vision des femmes une histoire de femmes… un peu en décalage.

« Ces hommes qui ont volé nos cailloux pensent que nous sommes femmes et que nous allons nous taire comme d'habitude. Quand ils nous battent au foyer, nous ne disons rien, quand ils nous chassent et prennent tous nos biens à la mort de nos maris, nous ne disons rien, quand ils nous paient moins bien qu'eux-mêmes, nous ne disons rien, quand ils nous violent et qu'en réponse à nos plaintes il disent que nous l'avons bien cherché, nous ne disons toujours rien et aujourd'hui ils pensent qu'en prenant de force nos cailloux, encore une fois, nous ne dirons rien. Eh bien non ! Cette fois-ci ils se trompent ! Trop, c'est trop ! »
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