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Critique de cmpf


J'avais parlé du style de Dostoïevski dans la critique faite de Crime et châtiment regrettant de n'avoir pas lu la version de monsieur Markowicz réputée la plus fidèle à l'écriture de l'écrivain. Ayant cette fois ci l'ouvrage publié par les éditions Babel, j'ai été plusieurs fois obligée de relire une phrase qui ne me paraissait pas claire. Par exemple : « Tous, en général, chaque premier du mois, perdaient à tour de rôle, au bénéfice des autres, tout leur salaire dans un petit pharaon, une partie de préférence, ou de billard chinois ». Une partie de préférence, faut il comprendre leur jeu de prédilection ou autre chose ? Je n'ai pu me référer à une autre traduction car celle qui était disponible avait carrément omis la fin de la phrase. Peut-être est ce conforme au texte d'origine mais cela casse pour moi la lecture. de même le langage des protagonistes me semble étrange dans la traduction nouvelle « Toi, eh gamin, la ferme ! des craques tu dis, de la boue, toi ! t'entends, semelle ! prince, t'es, hein ? tu le piges le truc ? » En particulier le « tu le piges, le truc » me semble faire plus appel au vocabulaire du 20ème siècle qu'à celui du 19ème quel que soit le pays. Dans une autre traduction ces invectives deviennent « Toi, malheureux, va-t'en. Tu n'es qu'un misérable, un voleur ; entends-tu, propre-à-rien, beau prince, un voleur ! ».
Ceci n'a pas pour but de décrier le travail de Markowicz, je n'ai pas de compétences pour cela, mais peut-être d'aider ceux qui se seraient interrogés sur la traduction à choisir. Pour ma part, je crois que je prendrais une traduction plus classique désormais quitte à perdre éventuellement le suc de l'écriture dostoievskienne au profit de la fluidité et du plaisir de lecture.
Ce qui m'inspire un questionnement sur la traduction, doit-elle être fidèle au texte d'origine quelle que soit la culture à laquelle elle est destinée et donc quel que soit l'effet qu'elle fera au lecteur ou doit-elle s'efforcer de provoquer les mêmes impressions qu'aux lecteurs d'origine et donc s'adapter. Je ne suis évidemment pas la première à me poser cette question puisqu'elle est au coeur de la traduction, mais la réponse a visiblement évolué depuis le 19ème.
Concernant Dostoïevski, je ne sais pas si son écriture paraissait heurtée à ses contemporains russes. Je suppose que déjà ses romans dérangeaient certains comme ceux des premiers romanciers français qui ont osé mettre en scène des gens de peu, et Dieu sait si cela semble être le cas de Dostoïevski.

Quant au le roman lui-même, il aurait été inspiré à l'auteur par un fait divers.
Monsieur Prokhartchine est un petit fonctionnaire vivant misérablement dans une pension tenue par une dame (qu'on qualifierait volontiers de marchande de sommeil mais j'ignore quelle était la norme dans la Russie de l'époque), dont il est le favori, cette dame ayant pitié de lui, « que Dieu protège sous son aile ». A noter que comme apparemment souvent chez Dostoïevski les noms des personnages sont significatifs : « khartchi » c'est le crouton de pain. Prokhartchine ne se refuse pas seulement le peu de confort qu'il pourrait apparemment s'offrir, il refuse aussi le commerce de ses semblables, il économise sa vie. de ce fait il devient la cible de ses commensaux qui se mettent à « l'asticoter » avec un succès qui va au-delà de leur volonté de départ. Je laisse aux futurs lecteurs de découvrir par eux-mêmes la fin même si elle se devine.
C'est donc une nouvelle figure de l'avarice, pire à mon sens que celle des deux archétypes que sont Harpagon et le père Grandet. le premier voulant tout au moins s'offrir le plaisir d'un mariage avec une jeunette, et le second s'amusant beaucoup à rouler dans la farine les « parisiens ».

Lu dans le cadre du challenge XIXè siècle 2015
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