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Critique de Aquilon62


Voilà une magnifique lecture "rafraîchissante". Dans tous les sens du terme.

Formidable idée à nouveau de cette maison d'édition dont je me permets de reprendre l'incipit : "Créée en 2014, la maison d'édition les ateliers Henry Dougier souhaite « raconter » la société contemporaine dans le monde, en donnant la parole aujourd'hui à des témoins souvent invisibles et inaudibles : peuples, régions, métiers, catégories sociales ou générationnelles parlent ici de leurs valeurs, de leur mémoire, de leur imaginaire, de leur créativité.
Notre objectif : briser les murs et les clichés."

Dans le préambule le ton est donné" L'Olympe se porte mal". Bientôt, les dieux et déesses vivrons dans une nuit totale. Il faut réagir et redonner la parole à ces témoins devenus moins visibles voire inaudibles.

Réaction de l'éditeur une nouvelle collection dans laquelle la parole est donnée à des figures légendaires (dieux, déesses ou héros) qui hantent les mythes pour savoir si ces voix venues de très loin dans le temps ne nous parlent pas encore aujourd'hui ?
La réponse est OUI
Réaction de Zeus faire appel en premier lieu à Vénus. Et est-ce que l'alchimie prend ?
La réponse est OUI
Réaction de l'auteure donner la parole à Vénus pour qu'elle se raconte. Et est-ce que ça fonctionne ?
La réponse est encore OUI

Alors certes les Aèdes ou Mythographes se sont chargés de nous conter ses aventures. Mais n'est-elle pas la mieux placée pour nous raconter sa vie, ses sentiments ou ressentiments, ses joies ou ses peines, tout ce qui fait qu'elle soit les mots de Zeus : "Tu as toujours été leur préférée."

De sa naissance dans le tumulte de l'écume, à ses amours tumultueuses, ses enfants qui connaîtront des destins divers, variés et tumultueux, allant jusqu'à expliquer qu'avec Arès/Mars et d'un commun accord, ils donnèrent au premier-né le nom de Déimos, qui signifie la Crainte, au second celui de Phobos, qui signifie l'Horreur, et au troisième le nom suave d'Harmonie.
Qui mieux qu'elle même pour se raconter et aller jusqu'à donner son avis sur les oeuvres d'art qui jalonnent l'ouvrage comme elles jalonnent et illustrent sa vie, on y retrouve pêle-mêle :
Élisabeth Vigée Le Brun, Junon empruntant la ceinture de Vénus.
Les frères Le Nain, Vénus dans la forge de Vulcain.
Sandro Botticelli, La Naissance de Vénus.
Jean-Léon Gérôme, La Naissance de Vénus.
Titien, Vénus d'Urbino.
Alexandre-Charles Guillemot, Mars et Vénus surpris par Vulcain.
Jean-Auguste-Dominique Ingres et Alexandre Desgoffe, Vénus à Paphos.
Nicolas Poussin, Le Triomphe de Neptune ou la Naissance de Vénus. .
Alexandre-Évariste Fragonard, Vénus apparaît à Énée et l'empêche d'immoler Hélène.
Dante Gabriel Rossetti, Venus verticordia. (le préféré de Vénus)
DiegoVélasquez, Vénus à son miroir.

L'un de plus beau passage du livre concerne les vérités qui concernent son pouvoir.
"L'amour est une proposition. Faite pour vivre davantage. Et connaître l'essence de la vie, qui est la générosité, la création… en un mot, la démultiplication de la vie. Car la vie veut la vie. Cette proposition ne peut être offerte qu'à une seule personne à la fois. En tant que déesse, je peux espérer qu'un amour soit partagé, et c'est ce que je souhaite quand je fais circuler l'amour d'un être à un autre, évidemment, mais je ne peux pas faire qu'il le soit. Ni qu'il soit durable. Mon pouvoir suppose que l'on coopère. Que l'on participe. L'amour, pour durer, s'épanouir et s'enfanter à l'infini, suppose que l'on y mette du sien, comme disent les mortels. Aimer est une synergie.
Ainsi, un amour sera mutuel ou non. Et chaque partenaire le vivra avec le degré d'énergie, d'intensité et de lumière qui l'intéresse. Je ne peux rien contre l'amour qui n'est pas réciproque. Je ne peux rien contre un amour qui s'en tient à un échange sexuel, contre un amour qui se satisfait de sa forme la plus simple.
Je me suis interrogée sur les limites de mon pouvoir. N'était-il pas dérisoire ? Surtout, n'était-ce pas injuste ? injuste de donner des passions sans assurer qu'elles soient partagées ? La réponse est non. Mais j'ai longtemps cru le contraire. Au moment où s'est déroulée l'histoire d'Ariane et de Thésée, je ne comprenais pas encore qui j'étais, ni ma mission de déesse. L'arrivée de Dionysos a été l'occasion d'avancer. Je sais à présent ceci : l'amour est à lui seul le chemin. Aimer, même sans réciprocité, augmente toujours la vie. Et d'abord la vie de celui qui aime."

C'est formidablement bien écrit, redoutablement efficace, cela renouvelle la lecture des mythes, et on y apprend tellement sur les interactions parfois complexes entre les dieux eux-mêmes, et les imprécations entre mythes eux-mêmes.

En tout cas longue vie à cette nouvelle collection, qui vient côtoyer sur les rayons de nos bibliothèques la collection "le roman d'un chef d'oeuvre", qui comblera les amateurs de mythologie, d'art et de beaux textes.
J'attends avec impatience les suivants annoncés et consacrés à Oedipe et Judith.
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