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Critique de Jolap


Jolap
10 décembre 2019
Tout oppose ces deux hommes.

Voltaire aime le luxe, l'argent, les honneurs, les soirées mondaines, la réussite et les marques de distinction. Ami des nantis, des aristocrates, des souverains, tout ce qui brille l'attire. Il est arrogant, caustique, impertinent, manipulateur, opportuniste mais terriblement malin, doué, espiègle et compétent. Il veut être entouré et admiré.

Rousseau lui, préfère une vie simple, discrète, solitaire. La nature le comble et le nourrit. L'inconfort matériel ne le gêne pas. Il fait avec. Il vit en pauvre, en paysan. le règne de l'argent l'insupporte.. Il est excessif, sans nuances, vertueux, rêveur, légèrement utopiste et surtout timide, parfois maladroit.

Tout oppose ces deux écrivains talentueux. J'ai voulu, dit l'auteur Roger-Pol Droit, « Les faire sortir du musée, les montrer comme on ne les voit jamais à l'école. Simplement deux hommes fragiles, obstinés, pris dans le tourbillon des lumières, avec leur génie mais aussi avec leurs faiblesses, leurs maladies, leur rapport à l'argent, leur sexualité dans un siècle libertin… Voltaire et Rousseau deux piliers devenus les symboles de la république …. L'un représente la France d'en haut, l'autre celle d'en bas. » Tout les oppose mais ils sont tous les deux bourrés de talent et le fruit de leurs réflexions respectives leur réserve un succès incontestable. Dans une interview récente Roger-Pol Droit dit que Voltaire et Rousseau, à notre époque, feraient partie des people. Beaucoup de choses ont été écrites sur ces hommes. Mais ici nous avons le "best-off"augmenté des annexes

L'auteur nous offre le fruit d'un travail de documentation extrêmement fourni, précis sur la vie ces deux philosophes et sur l'entourage autour duquel ils évoluent.
Ainsi nous rencontrons régulièrement Diderot, convaincu des bienfaits du savoir et de la nécessité de sa diffusion D Alembert, anti clérical convaincu, actif militant qui publie « Genève » et rend Rousseau fou de rage Grimm, qui prend un vif intérêt à critiquer les écrits De Voltaire ce qui provoque à chaque fois un retour cinglant, rapide et enflammé.

Et puis nous faisons plus ample connaissance avec la nièce De Voltaire, Madame Denis, avec Madame d'Epinay, avec Madame de Warens, Thérèse qui approchent nos deux protagonistes de très très près…

Au fil des pages, témoins silencieux de nombreuses querelles, nous devenons intimes De Voltaire et de Rousseau. Ils ne s'épargnent pas, mais toujours par écrit. Un morceau d'anthologie figure page 387. C'est Voltaire qui s'exprime avec jubilation et avec une grande férocité. Rien n'est épargné au pauvre Rousseau : injures, calomnies, insultes, moqueries... Un rapport d'expertise écrit au vitriol, sans complaisance, mais tellement savoureux parce que tellement bien écrit… car c'est cela aussi la force de ce livre. Une très belle écriture, un langage soutenu, élégant, précis, qui sert de socle à une rencontre inédite sous cette forme, à des échanges, que dis-je, à des envolées aussi sincères qu'enthousiastes. Un jeu ??

Je ne suis pas loin de penser que derrière cette absence d'empathie de vitrine, Voltaire et Rousseau éprouvaient une certaine admiration l'un pour l'autre. Pourtant, ils ne se sont jamais rencontrés.

« le 11 juillet 1791, sur décision de l'Assemblée constituante, le cercueil De Voltaire fut transporté au Panthéon. le 11 octobre 1794, la Convention thermidorienne fit transférer le cercueil de Rousseau. Juste en face.
Dans la crypte, leurs tombes sont séparées pour l'éternité par vingt-cinq mètres trente. »

Je me suis demandée si l'auteur était plus Voltaire ou plus Rousseau?
J'ai tendance à le croire plus Voltaire. Il écrit avec humour, voire espièglerie parfois. Il "épingle" les faiblesses de ses personnages pour relever son texte et en faire un mets savoureux. Il n'occulte rien même les scènes très privées sont décrites avec la plus exquise légèreté. Il n'a de cesse de séduire le lecteur. Il y parvient je pense avec la plus grande aisance. Il se sert de ses personnages pour construire son projet. C'est drôle. C'est enlevé. C'est pittoresque. C'est historique, c'est bien structuré....En deux mots: c'est super!
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