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Critique de farangset



Embarquez pour 6 brèves aventures dans le futur, d'abord aux confins de l'univers puis à nouveau sur Terre, en compagnie du mercenaire-pirate du futur : Lone Sloane.

Messager des dieux malgré lui, instrument ou jouet de leurs caprices, otage des envieux qui veulent exploiter ses pouvoirs mais finalement prompt à retourner des situations désespérées, le héros solitaire nous entraîne dans un tourbillon de décors grandioses, explosant le cadre sclérosé habituel de la BD classique.

Cet album est depuis longtemps un must incontournable pour tous les lecteurs de Sci-Fi.


1972.

Le monde de la BD en pleine effervescence voit arriver un OVNI ; Druillet nous jette en pleine face sa vision de l'Univers : par des planches déstructurées, à la mise en page cassant tous les codes des cases étriquées jusqu'alors, il repousse les limites de l'album, nous entraîne dans le vertigineux détail de son trait de plume ultra-fouillé (permis par le format Grand Aigle de ses planches d'origine).

Plutôt qu'une seule histoire, il nous propose 6 récits brefs, 6 nouvelles, façon Ray Bradbury (qui n'a pas été conquis par 'Un coup de tonnerre' ?). Ils se suivent et s'enchaînent tout en étant indépendants.

Lone Sloane, héros solitaire, terrien rebelle mi-pirate du cosmos, mi-initié qui côtoie les dieux, va devoir se tirer de situations qui lui sont imposées avant que de pouvoir reprendre l'avantage.

Embarqués d'abord 'classiquement' dans la fusée de son héros d'une lointaine ère post-atomique, Druillet nous balade en trône de pierre volant, en galion-galère titanesque, en orgue-'transformer', en dragon dressé, puis dans le 'Nautilus' du futur de Sloane : le O Sidarta. Il emprunte enfin pour revenir sur Terre le 'Zap', navette à six jambes - inversant ainsi le tout jeune exploit (1969) de la conquête de la Lune, son engin aux allures de coléoptère répondant à la silhouette arachnéenne du LEM.

Les architectures oniriques esquissées dans le naïf "Mystère des abymes" de 1966 atteignent ici la perfection : du Temple-montagne au Pont sur les Etoiles, de la Porte des guerriers de bronze aux Allées empierrées de la retraite des dieux, les perspectives époustouflantes sont inoubliables.

A chacune de ses étapes forcées ou non, Sloane rencontre des adversaires ou compagnons de toutes sortes, des prêtres maudits ou des pirates bornés, des robots humanoïdes ou des entités immatérielles.
Les dieux le visitent la nuit pour lui faire entendre leurs volontés et lui, simple mortel parfois élevé au rang de demi-dieu aux pouvoirs surnaturels provisoires, doit composer entre ses ambitions d'aventurier et les barrages que lui imposent les dieux lassés des turpitudes humaines.

Finalement, chassé de la Terre mais de nouveau à la tête de son équipage, Sloane se préparera avec son second à une aventure épique, scénarisée par Jacques Lob dans 'Delirius', vu souvent comme le 'tome 2' des '6 voyages...'


Personnellement, j'ai longtemps peu goûté les récits eux-mêmes, n'étant pas du tout attiré par les mythologies, les dieux, les 'super-héros', les choses impossibles,... bref tout le folklore qui entoure la succession des histoires. Seuls les dessins me fascinaient.

Ma découverte de cette oeuvre fut peu banale : les premières planches du récit "Les îles du vent sauvage" étaient pauvrement reproduites en petit format et avec des couleurs délavées dans mon livre de Français en classe de 3e... 'Lire et s'exprimer', s'intitulait le recueil d'extraits assortis d'exercices...

Malheureusement, cet intéressante approche de la bande dessinée française, très inattendue en 1978 et la seule retenue dans cet ouvrage, ne fut pas étudiée en cours.

Plus ennuyeux, l'information réduite autour de cet extrait ne permettait pas de penser que le titre du récit choisi n'était PAS celui de l'album... Ce qui rendit son identification laborieuse.

Je me suis quand même fait offrir à la Noël par divers membres de ma famille ce qu'il me fallait : l'album en question et quelques autres de Druillet, un coffret de stylos Rotring et un compas de pro.

Je pus alors passer des heures à "copier Druillet" à main levée, presque sans brouillon ni esquisse tellement j'étais impatient. Si mes constructions manquent donc un peu de rigueur, le rendu des détails est plutôt correct pour une reproduction en réduction (A3 ou A4), aussi précipitée et faite par un gamin de quinze ans...


Avec le temps, j'ai appris à apprécier l'ensemble, sorte d'heroïc-space-opera-fantasy avant l'heure - et aussi les textes sobres et ciselés à la perfection. Simple exemple, dans le premier récit "Le trône du dieu noir", la légende d'un dessin occupant la quasi-totalité de la planche :

"Lorsque dans la lumière le temple-montagne soudain emplit l'horizon, l'homme ne doute plus de sa destination : l'architecture maudite renferme en elle le but du voyage".

Quant au découpage des vignettes de la double planche, encore plus réussi que celui de la page de titre, il est un modèle du genre.

Cet ouvrage est une borne incontournable dans la BD moderne. La cote des premières éditions est d'ailleurs en hausse, si les rééditions ont un format plus confortable pour exprimer la démesure de l'auteur.
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