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Critique de Eric76


Eric76
28 décembre 2016
Vous entrez dans un café bondé, de l'épaule vous bousculez quelqu'un, et vous vous retrouvez face à votre double parfait. Là, en face de vous, aussi stupéfait que vous, votre « moi » vous observe. Abasourdis par cette situation invraisemblable, vous vous asseyez tous deux à une table et vous commandez un alcool fort parce qu'il faut bien vous remettre de vos émotions. Votre ressemblance avec l'autre vous met mal à l'aise ; elle a quelque chose de maléfique tant vous retrouvez dans votre double votre voix, votre manière de vous exprimer, votre façon de bouger vos mains, de sourire ou de cligner des yeux…
Imaginez-vous durant quelques instants dans cette situation ? Eh bien, cette chose improbable arrive à Paul et John qui, le premier choc passé, se « racontent » comme deux vieux amis qui ne se sont pas vus depuis longtemps.
C'est ainsi que John va prendre l'identité de Paul. Paul, comte de Gué, dernier rejeton d'une vieille famille noble à bout de souffle en ce début des « trente glorieuses » bien décidées à être sans pitié pour ces aristocrates guindés et fiers, ces reliques du passé.
J'ai suivi John quand il est entré de plein pied, parfois avec effroi, parfois avec exaltation et insouciance, dans la vie de Paul. Il faut le voir découvrir des gens qui croient le connaître depuis des décennies, depuis toujours. Il faut le voir perdre pied, se ressaisir, prendre maladroitement la tangente pour éviter quelque impair… L'épouse, la soeur, le frangin, la belle-soeur, le château qui sent l'abandon, la vieille mère alitée, l'entreprise familiale, les domestiques dévoués et comploteurs, les secrets de famille, les bonnes vieilles saloperies, les sentiments de rancoeur, il se prend tout dans la figure par gros paquets… Et puis il y a Marie-Noëlle, sa fille, enfin celle de l'autre… Une petite princesse, une fille garçonnière avec ses cheveux blonds coupés courts, une petite Jeanne d'Arc avec ses visions mystiques, qui a tant d'admiration pour son papa.
Le vrai Paul n'est guère sympathique, au demeurant ! Un être fourvoyé, un fainéant, un homme affreusement seul, horriblement égoïste qui règne en tyranneau sur son petit univers en perdition. Alors, John l'imposteur se dit que peut-être il pourrait arranger les choses en mettant un peu de lui dans Paul ?
Daphnée du Maurier s'y prend à merveille pour fourrager dans les sentiments humains, tout un clair-obscur d'amertume, de convoitise, de douceur, de pardon et d'allégresse partagée.
J'ai pris un grand plaisir à suivre John dans sa découverte, au fil de l'eau, de l'univers de Paul, me demandant à chaque page tournée comment cette histoire se terminera… Je n'avais pas envisagé ce final mais, à bien y réfléchir, elle est logique pour ces deux hommes qui ont tenté de rompre les fils du destin.

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