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Vous entrez dans un café bondé, de l'épaule vous bousculez quelqu'un, et vous vous retrouvez face à votre double parfait. Là, en face de vous, aussi stupéfait que vous, votre « moi » vous observe. Abasourdis par cette situation invraisemblable, vous vous asseyez tous deux à une table et vous commandez un alcool fort parce qu'il faut bien vous remettre de vos émotions. Votre ressemblance avec l'autre vous met mal à l'aise ; elle a quelque chose de maléfique tant vous retrouvez dans votre double votre voix, votre manière de vous exprimer, votre façon de bouger vos mains, de sourire ou de cligner des yeux…
Imaginez-vous durant quelques instants dans cette situation ? Eh bien, cette chose improbable arrive à Paul et John qui, le premier choc passé, se « racontent » comme deux vieux amis qui ne se sont pas vus depuis longtemps.
C'est ainsi que John va prendre l'identité de Paul. Paul, comte de Gué, dernier rejeton d'une vieille famille noble à bout de souffle en ce début des « trente glorieuses » bien décidées à être sans pitié pour ces aristocrates guindés et fiers, ces reliques du passé.
J'ai suivi John quand il est entré de plein pied, parfois avec effroi, parfois avec exaltation et insouciance, dans la vie de Paul. Il faut le voir découvrir des gens qui croient le connaître depuis des décennies, depuis toujours. Il faut le voir perdre pied, se ressaisir, prendre maladroitement la tangente pour éviter quelque impair… L'épouse, la soeur, le frangin, la belle-soeur, le château qui sent l'abandon, la vieille mère alitée, l'entreprise familiale, les domestiques dévoués et comploteurs, les secrets de famille, les bonnes vieilles saloperies, les sentiments de rancoeur, il se prend tout dans la figure par gros paquets… Et puis il y a Marie-Noëlle, sa fille, enfin celle de l'autre… Une petite princesse, une fille garçonnière avec ses cheveux blonds coupés courts, une petite Jeanne d'Arc avec ses visions mystiques, qui a tant d'admiration pour son papa.
Le vrai Paul n'est guère sympathique, au demeurant ! Un être fourvoyé, un fainéant, un homme affreusement seul, horriblement égoïste qui règne en tyranneau sur son petit univers en perdition. Alors, John l'imposteur se dit que peut-être il pourrait arranger les choses en mettant un peu de lui dans Paul ?
Daphnée du Maurier s'y prend à merveille pour fourrager dans les sentiments humains, tout un clair-obscur d'amertume, de convoitise, de douceur, de pardon et d'allégresse partagée.
J'ai pris un grand plaisir à suivre John dans sa découverte, au fil de l'eau, de l'univers de Paul, me demandant à chaque page tournée comment cette histoire se terminera… Je n'avais pas envisagé ce final mais, à bien y réfléchir, elle est logique pour ces deux hommes qui ont tenté de rompre les fils du destin.

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Deux hommes se croisent au buffet de la gare du Mans et sont stupéfaits de constater qu'ils sont en tout point semblables, même stature, mêmes yeux, même sourire, même voix .
John, est anglais en vacances en France, mal dans sa peau, il songe prolonger son séjour par une retraite dans un monastère. Rien, ni personne ne l'attendent outre-Manche. Personnage falot, sans amis, il ne sait trop que faire de sa vie.
Jean de Gué, lui, est châtelain, étouffé par une famille qu'il juge envahissante, il croule sous les dettes.
Après un dîner bien arrosé, Jean propose à John d'échanger leurs vies. Devant la réticence de ce dernier, il le drogue s'empare de ses effets et disparait.
John n'a plus qu'à enfiler les vêtements de Jean et à suivre le chauffeur.
Il se rend donc au château où il fait connaissance avec la famille.
Pris dans les mailles d'un véritable filet, il devra jouer le jeu et affronter "sa" famille, "son" château, "ses" affaires véreuses, "sa" maitresse. Il nous entraine, haletants, à travers ses diverses découvertes dans une ambiance surréaliste.
Le cadre même du récit se prête à merveille à cette atmosphère lourde et sinistre un château isolé au fond de la campagne, des tourelles enveloppées de brume, des chambres aux sombres rideaux souvent fermés…
Lors de la parution du « Bouc émissaire » près de 20 ans après « Rebecca », on ne parlait pas encore de thriller et encore moins de page turner, c'est cependant l'étiquette que l'on ne manquerait pas d'y associer aujourd'hui tant cette lecture est addictive, impossible de lâcher ce roman avant d'avoir le fin mot de l'histoire.
En ouvrant ce livre j'ai été littéralement envoûtée par l'univers si particulier des romans de Daphné du Maurier.
J'avais déjà lu ce livre il y a quelques dizaines d'années, j'y ai cependant retrouvé intact ce plaisir que seuls peuvent procurer au fil du temps les très grands romans.
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Deux hommes se rencontrent au Mans, l'un est anglais et professeur d'histoire française à Londres, il se prénomme John ; l'autre est un châtelain français et s'appelle Jean de Gué.

Ce sont deux sosies parfaits : physique, voix, gestes sont identiques.
Médusés, ils engagent la conversation : John est un être solitaire qui se considère comme un raté, rêve d'avoir une famille et parle le français sans aucun accent ; Jean,comte de Gué, au contraire, se sent étouffé par sa famille et ne rêve que de liberté.

Après avoir fait boire John jusqu'à l'évanouissement, Jean échange leurs vêtements, papiers d'identité, clés ... C'est ainsi que John se réveille travesti en Jean le lendemain et Jean a disparu avec toutes les affaires de John.
Après avoir tenté de révéler l'imposture, John voyant que personne ne le croit car il est encore légèrement ivre ce qui arrive fréquemment à Jean, John décide de jouer le jeu et se rend au château conduit par le chauffeur de John.

Tout lui est étranger, il ignore où se situe sa chambre et ne connaît évidemment aucune des personnes qui font partie de son soi-disant environnement familial. A force de ruses et de psychologie (laisser parler les autres en feignant ne pas se rappeler de certains événements), il convainc tout le monde et pas une seconde son imposture n'est soupçonnée par son entourage familial.

Il découvre une famille complètement dysfonctionnelle, situation dont le vrai comte Jean de Gué est en grande partie responsable. Il perçoit que le comte en question est un être cynique, sans intérêt ni sentiments pour sa famille.

Il va progressivement s'attacher à cette famille et tenter d'améliorer les choses, notamment en faisant amende honorable auprès de ceux qu'il a blessés et ça va fonctionner.

N.B : seuls les chiens ne se laissent pas berner ;-)

Tout va donc pour le mieux jusqu'à ce que ...

J'ai beaucoup apprécié ce roman qui conjugue les thèmes du bien et du mal et de la notion d'identité avec un suspense assez agréable.

Toutefois, il ne m'a pas fascinée comme "Rebecca" l'avait fait.

A lire sans problème mais n'espérez pas y retrouver les mystères haletants et le suspense lus dans "Rebecca".
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Attention, coup de coeur ! C'est le roman de Daphné du Maurier que j'ai préféré ! ● Dans les années cinquante, John enseigne l'histoire de France dans une université anglaise. En vacances en France, il rencontre par hasard, au buffet de la gare du Mans, son sosie parfait, Jean de Gué. John est stupéfait autant qu'abasourdi. John et Jean font connaissance. John, mal dans sa peau, mène une vie calme et retirée, un peu étriquée, sans liens familiaux ni amicaux ; au contraire Jean, comte et châtelain, est flamboyant, cynique, désinvolte, aimé de tout le monde – mais il est gêné par sa famille dysfonctionnelle et étouffante et par de nombreuses dettes. « — Il n'y a rien de très grave, dis-je [John]. Sinon que j'ai raté ma vie. — Nous en sommes tous là, dit-il [Jean], vous, moi, tous les gens que vous voyez dans ce buffet de gare. Nous sommes tous des ratés. le secret de l'existence, c'est de reconnaître ce fait assez tôt et de s'y résigner. Ensuite, ça n'a plus d'importance. » Jean propose à John d'échanger leurs vies, mais John est réticent. Il lui force alors la main après un dîner alcoolisé, et John se réveille le lendemain dans une chambre d'hôtel avec les affaires de Jean. Il n'a d'autre choix que de suivre le chauffeur Gaston venu le chercher et de faire connaissance avec sa nouvelle famille dans leur château décrépi. A partir de ce jour, il devra rapidement comprendre la vie de Jean de Gué et s'y couler. ● le point de départ du roman est fascinant : vivre la vie d'une autre personne très différente de soi ! Il amène à se poser de nombreuses questions sur l'identité, le mensonge, le devoir, le sens de la vie… ● Daphné du Maurier raconte cette histoire avec un talent incroyable ; on voit bien les écueils qu'elle évite, y compris à la fin (qui m'a surpris) ; les multiples rebondissements tiennent le lecteur en haleine et lui font tourner les pages de plus en plus vite ; c'est une lecture addictive. ● Les personnages sont admirablement campés, leur psychologie et leur personnalité sont fouillés, très riches. ● La famille de Gué a des côtés mauriaciens (j'espère que cette référence à Mauriac ne va pas faire fuir ; pour moi c'est un vrai compliment !) : une famille de nobles ruinés dans la province française, qui se détestent et se nuisent mutuellement, avec plusieurs secrets et des problèmes d'argent pouvant être miraculeusement résolus à la condition que… ● le style est beau et agréable dans une traduction réussie ; les quelques passages descriptifs sont magnifiques. ● J'ai été happé par ce roman haletant que je recommande vivement !
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John, Anglais, professeur d'histoire française à Londres, termine ses vacances en France. Au buffet de la gare du Mans, il rencontre Jean de Gué, châtelain de la région, de retour d'un séjour à Paris. Une rencontre fortuite et extraordinaire, car les deux hommes sont de parfaits sosies. Revenus de la surprise de se trouver face à un autre soi-même, ils font connaissance, discutent. John, mal dans sa peau, ne sait pas quoi faire de sa vie, personne ne l'attend à Londres, il se voit comme un raté. Jean, lui, est attendu impatiemment par son étouffante famille, et rêve de prendre le large. La vie de John lui semble idéale, alors il finit par le droguer et lui voler ses affaires, puis s'en va. Au réveil, John comprend la supercherie, mais par lâcheté, facilité ou désespoir, se résigne à endosser l'identité de Jean et la vie compliquée de celui-ci. Malgré d'inévitables faux pas et bizarreries, tout le monde n'y voit que du feu, jusqu'au moment où un drame et une aubaine font ressortir du bois le vrai Jean de Gué.

Moi qui avais beaucoup aimé "Rebecca", je suis restée sur ma faim avec ce "bouc émissaire". de manière générale, je trouve que la substitution d'identité est une idée de départ prometteuse parce que fascinante. Mais le problème ici, c'est le manque de crédibilité, parce que la substitution n'est pas volontaire mais forcée, et qu'on se demande pourquoi John accepte aussi facilement de s'embourber dans la tromperie. Et puis, aussi francophone qu'il soit, il faudrait admettre qu'il n'est jamais trahi par sa langue maternelle, un accent, une expression, une tournure de phrase, un juron ?

Bon, admettons. Admettons aussi qu'en à peine une semaine, John ait compris le fonctionnement de la maisonnée, retenu le nom de tout le monde, intégré son personnage. Mais que fait-il donc là, constamment tiraillé entre son sentiment d'imposture et l'envie ou le besoin de réparer les torts de son prédécesseur, entre le sentiment que ces gens et leurs vies lui sont étrangers et qu'il ne leur doit donc rien, et celui qu'il s'accroche ou s'attache à eux parce qu'il ne lui reste rien d'autre au monde?

J'ai trouvé que tout cela sonnait assez faux, et la tension du début ne résiste pas longtemps, tant on a l'impression que John va s'installer à demeure dans sa nouvelle vie et que cela va se terminer en conte de fées. Mais bien sûr, c'est du Daphné du Maurier, donc le suspense revient, mais pour déboucher sur une fin que j'ai trouvée bâclée et frustrante, même si elle était vaguement prévisible. Une déception.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Qui n'a jamais rêvé un jour de vivre la vie de quelqu'un d'autre ? L'herbe est toujours plus verte chez le voisin, n'est-ce pas ?

Eh bien John, un professeur d'histoire anglais solitaire, sans famille, sans attaches, neurasthénique, prêt à passer quelque temps à la Trappe pour enfin trouver un sens à sa vie, va pouvoir expérimenter cela, à son corps défendant !
En effet, il rencontre dans une gare un homme en tout point pareil à lui, comme si c'était son double. En plus, il s'appelle Jean. Chose étrange ... Celui-ci n'aime pas sa vie non plus, il est chargé d'une famille encombrante et voudrait en être débarrassé. Un troc se fait alors, sans que John le veuille. Il se retrouve donc en pleine campagne française, dans un petit château pas bien entretenu, affublé d'une mère, d'une femme, d'une fille, d'une soeur, d'un frère et d'une belle-soeur, ainsi que d'une entreprise périclitant. Personne ne se rend compte qu'il n'est pas Jean...Drôle d'affaire ! Il sent alors qu'il fait office de bouc émissaire, car il porte sur lui tous les ennuis de son « jumeau ».

Et je peux vous assurer que des ennuis, il en a ! Cette situation extrême le met en face de lui-même, le « trompeur » (car cela ne sert à rien qu'il donne sa véritable identité, on ne le croirait pas tellement la ressemblance est frappante).
Cependant, « pourquoi tromper quand la tromperie apporte tant de tourments au trompeur ? »
« Etre complice d'une farce n'impliquait pas que je dusse accepter d'en être la victime. »
Ces deux citations vous prouvent que ce roman de Daphné du Maurier sonde les profondeurs de l'âme.
Le nouveau comte pourra-t-il se glisser dans la peau de l'ancien, et donc subir le poids de son passé, de ses fautes anciennes, de son comportement récent ?
C'est très psychologique, mais la famille et la société en prennent aussi pour leur grade : description détaillée des rapports familiaux, et de la société hiérarchisée de ces années 50, où « Monsieur le Comte » est encore abordé avec déférence, même s'il a commis un méfait inavouable, même s'il est d'une superficialité ahurissante. Les domestiques, les ouvriers de l'entreprise, les amis chasseurs, le notaire, le médecin, le curé, ...la maitresse, tous ont un rôle à jouer, mais le plus grand rôle, c'est celui de John, le bouc émissaire.
Comment concilier son caractère tendre avec celui qu'il remplace ? Comment réparer les fautes de l'Autre sans qu'on le reconnaisse comme un imposteur ?

J'ai été un peu déçue par le dénouement assez mièvre et certaines situations trop improbables, mais, malgré cela, je dois dire que c'est un roman passionnant pour tout qui s'intéresse aux rapports humains, et à la place qu'on veut jouer, à la façade que chacun veut montrer aux autres, sans aliéner son moi le plus intime.
Edifiant !

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Vous connaissez mon amour pour Daphné du Maurier, alors quand j'ai découvert sur livraddict une lecture commune sur le bouc émissaire, organisée par unchocolatdansmonroman, forcement, je me suis inscrite.

Le roman se déroule en France dans les années 50. John, un anglais, est en vacances en France, il est prof universitaire spécialiste de l'histoire de France. Il est seul, paumé, a l'impression d'avoir raté sa vie. Quand soudain, il rencontre Jean, son parfait sosie. Ils boivent beaucoup et le lendemain, John découvre que Jean a disparu, il se voit contraint de prendre sa place... Il arrive donc dans une famille aristocrate ou l'atmosphère est tendue. Il y a des secrets, des non-dits depuis des années et même si John commet quelques impairs, je dois dire qu'il se débrouille plutôt bien. Il va tout faire pour rendre heureux les gens autour de lui mais une tragédie se prépare dans l'ombre.

C'est un excellent roman comme tous ceux de l'auteure mais, je dois avouer que j'ai eu un peu de mal a rentrer dans l'histoire, a mémoriser tous les noms et les personnages que l'on croise. Une fois l'intrigue mis en place, tout s'arrange, jusqu'à cette fin que je n'avais absolument pas imaginé....

Bref c'est encore une fois une belle découverte.
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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John est un professeur de français un peu neurasthénique, un personnage sans relief, sans ami ni réel intérêt dans la vie. Imaginez sa stupeur quand il tombe dans un café de gare sur son double parfait, un comte français, Jean du Gué, qui lui ressemble trait pour trait ! Fascinés et un peu révulsés, les deux hommes se rapprochent, discutent, boivent quelques verres avant d'atterrir dans une chambre d'hôtel minable… A son réveil, John est seul mais toutes ses affaires ont disparues et il porte le pyjama de son sosie. Celui-ci lui a aussi laissé ses habits, ses bagages, ses papiers, enfin tout ce qui le distinguait en tant qu'individu ! Quand le chauffeur de Jean du Gué vient le chercher, il prend tout naturellement John pour son maître. Trop estomaqué pour réagir, celui-ci le suit docilement jusqu'à la demeure campagnarde du comte.

Il est alors trop tard pour faire marche arrière et voici John forcé de rester dans la peau de son sosie et de prendre sur ses épaules tout le poids de ses dettes et, surtout, de son encombrante famille : sa femme craintive et négligée, sa fille délurée et assoiffée d'amour, son impressionnante mère, sa soeur qui ne lui adresse jamais la parole, sa maitresse – oh pardon ! ses deux maitresses… Mais le problème de John, voyez-vous, c'est qu'il a un bon fond et ne peut s'empêcher de s'attacher à cette petite famille dysfonctionnelle où chaque membre semble s'acharner à causer le malheur des autres et le sien propre. Parviendra-t-il à apporter un semblant d'harmonie et de tendresse à ses nouveaux proches ou sera-t-il forcé d'être jusqu'au bout le bouc-émissaire, celui qui paye les dettes d'autrui sans jamais pouvoir les rembourser ?

Et encore un bon roman de Daphné du Maurier, un ! Si « le bouc-émissaire » n'est pas compté parmi les plus connus de la romancière, ce n'est pas clairement pas dû à son moindre mérite. le fond du récit est passionnant et soulèvent des problématiques très intéressantes autour de l'identité, de la culpabilité, de la rédemption et du mensonge. C'est aussi l'occasion de s'immerger dans le monde de la petite aristocratie française, un monde faits de préjugés, de vices cachés où les bonnes manières ne servent qu'à envenimer les conflits en tentant de les dissimuler. Niveau psychologie, c'est du grand art ! le parallèle entre John et Jean est superbement fait, tous deux se ressemblant plus qu'ils ne veulent le croire puisqu'ils cherchent, chacun à leur manière, à fuir une réalité trop étouffante. Quant à la famille du Gué, c'est un véritable nid à névroses dont on découvre les petites habitudes plus ou moins malsaines et les secrets cachés avec autant de fascination, puis d'attachement progressif, que le narrateur.

La fin est très réussie, ce qui ne gâche rien ! Alors que l'on commence à craindre un happy ending vertueux et bon enfant, Du Maurier infléchit son intrigue pour lui faire prendre un tour plus amer et plus inattendu. On termine le récit le coeur lourd de doutes, à l'instar du narrateur : à trop vouloir infléchir la destinée de ses proches pour leur réserver un meilleur futur, a-t-il pêché par orgueil et par ignorance et ne les laisse-t-il pas dans une situation encore plus dramatique que celle qui était la leur auparavant ? Un bon livre qui vous laisse une sensation de malaise durable et de nombreuses questions sur lesquelles se faire les dents pendant les heures de vague à l'âme qui suivront.
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On ressort perplexe et frissonnant de ce roman vaguement malsain et délicatement angoissant, au point d'avoir envie de se rassurer en se disant que tout cela n'était peut-être qu'un mauvais rêve.

En villégiature en France, John est quasiment au fond du trou quand, ayant fait le constat amer qu'il a raté sa vie, il se retrouve face à Jean. Son double parfait. Son jumeau qui lui prête sa vie de châtelain désargenté, cynique et volage. D'abord contre son gré puis de plus en plus engagé, John/Jean tente de réparer les dégâts dans sa nouvelle famille qui, si elle l'a adopté sans l'ombre d'un doute, ne lui voue pas unanimement un amour indéfectible...

Ambiance de secrets lourds, d'aristocratie décadente, d'hystérie latente et de drame sur le point d'advenir : Daphné du Maurier installe au fil des pages un climat pesant, dérangeant, servi par un style éblouissant de finesse dévoilant peu à peu des âmes qui noires, qui abîmées, qui lumineuses.
un thriller troublant, dans la lignée de Rebecca que d'aucuns jugent meilleur que ce dernier. Quant à moi, j'aime les deux!
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Imaginez qu'un jour, vous tombiez sur votre double. Même physionomie, même voix, mêmes tiques. Imaginez qu'à cette époque, vous êtes déprimé(e), vous vous dîtes que votre vie ne vaut pas grand-chose, vous êtes seul(e) et solitaire.
Imaginez que vous vous réveillez un matin, après une soirée trop arrosée et un coup sur la tête, et que le chauffeur de votre double vienne pour vous ramener au château.
Imaginez que vous prenez la place du Comte Jean de Gué. Vous avez une mère, une femme, une fille, un frère et une soeur, et des maîtresses. A part les chiens qui flairent la tromperie, personne ne s'étonne, vous êtes Jean. Vous vous mettez dans la peau du personnage, vous jouez votre rôle. Vous découvrez petit à petit secrets de familles, espoirs déçus et amertumes. Jusqu'au jour du drame, qui changera tout. Ou rien.

C'est un roman très intéressant que nous livre Daphné du Maurier et qui développe ici une question qui nous est sûrement un jour passé par la tête à tous : et si j'étais quelqu'un d'autre ? Et si ma vie était différente ?
Une question sur l'identité propre à chacun, sur le mensonge, le devoir, la frustration. Publié en 1957, le souvenir de la guerre est encore très présent et joue également son rôle dans le récit : sentiments exacerbés, lâchetés humaines, manipulations abjectes. La plume est toujours aussi agréable à lire, le décor apaisant et inquiétant, la psychologie des personnages fouillée. Une belle découverte.
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