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Critique de JLBlecteur


Tout le monde le connaît par coeur le marronnier usuel ressassé au sujet d'Elvis Presley, surtout le colonel : un fruit sauvage pas encore mûr qui cherchait la châtaigne en sa jeunesse véhémente et qui fut vite remis en bogue par un manager omnipotent qui a fini par en faire une crème trop sucrée,  trop épaisse et écoeurante !

Seulement voilà, il sera démontré ici qu'il lui arrivait aussi de piquer, à la bogue, de filer des marrons et de s'affirmer contrairement à l'idée reçue trop souvent répétée.

Elvis cruciforme ou les coulisses d'une résurrection dans le business du Rock ou chacun a son rôle !

Mission a accomplir ici: sortir Elvis de la gangue scélérate qui l'enserre dans trop de biographies, gangue fabriquée autour de cette image pompadourienne véhiculée à l'envi, image de « pavlova/drag-king » due à ses dernières années végasiennes.

Exit le roi du rock au ‘profit' d'une kitchissime pseudo Liz Taylor (is rich) bouffie car surmédicamentée, d'un king-amann hyper calorique saturé de mauvais gras et de sucre pas forcément raffiné (humour breton pur beurre salé)

Envoyons valser tout cela, voyons ! A la poubelle les violons, faites hurler les fenders  ! Back to the roots ! Elvis is THE king, alors, respectons l'étiquette, un minimum  !!
On appuie sur ‘rewind'

Sans pour autant faire un retour à la genèse et à l'étique vocalisateur gominé (exit le chauffeur de camion famélique et si vous trouvez plus ferrailleur, on vous rembourse deux fois la différence), l'ouvrage s'évertue à redonner sa virginité (sa virilité !) au rocker des fifties, celui dont l'image s'est rapidement fanée (émasculée ?), ratatinée notamment par le rouleau compresseur des insipides  productions hollywoodiennes uniformes (mais pas de militaire) auxquelles il s'est prêté, peut-être pas toujours de bonne grâce(land).

Comment le jeune Elvis the pelvis aux tabous déhanchements scandaleusement suggestifs a-t-il pu s'effondrer si aisément et devenir, à tout juste trente ans, ce mollasson Ken de celluloïd, archi-mannequinisé, tellement étranger au félin sauvage de ses débuts ?
Le temps qui passe est félon.

Démarrant son propos alors qu'Elvis est au plus bas de sa carrière, l'auteur met le focus sur le soubresaut effectué par le king au mi-temps des années 60 dont le point d'orgue sera atteint fin 68 lors du fameux show TV de résurrection diffusé pour les fêtes de Noël.

Par des flashbacks et des flashforwards narratifs, il sera quand même question des balbutiements comme du crépuscule du King, mais par touches légères qui mettent la période privilégiée en perspective. Les dernières années feront (ou ont fait) l'objet d'un tome 2 qui continuera la réhabilitation commencée ici, usant d'un éclairage différent des biographies publiées jusqu'à présent.

Dans un monde en perpétuelle mouvance, l'auteur interroge l'éternel dilemme de la survivance de l'artiste, en général, comme de celle du poulain du colonel Parker en particulier, :
-rester dans son style initial, son genre de prédilection quitte à s'y anesthésier et entendre une partie du public se plaindre de voir son idole faire du surplace et de tourner en rond (Ron ron sans le da dou), de se démoder pathétiquement
-évoluer alors, changer, entrer dans de nouvelles chapelles et être assourdi par l'autre partie du public qui hurle à la trahison ou accuse la star de s'être vendu au mercantilisme ambiant.

Dur, dur d'être un héros, bébé !

Surtout quand des contrats de longue durée (7 ans) sont signés précipitamment avec des studios hollywoodiens vieillissants et peu en phase avec le monde de la musique et celui du rock en particulier.
Les espaces temps ne sont pas partout les mêmes.

Pour Elvis, hélas, les rouages comme les aiguillages se sont enrayés et lui a déraillé, estampillé ‘has been' désormais.
Pépèrisé par les trop nombreuses et piètres productions cinématographiques glucosées de ses années 60, lui, le King, l'initiateur, a raté le train pop/rock qui déferle en ce début de décennie (Beatles, Stones, Dylan puis Hendrix, Morrisson  …).
Il s'est empâté, encrouté, il lui faut réagir, s'électrochoquer ! Il lui faut volter dans les plumes de l'oreiller où il s'est assoupi, abruti même parfois  !

Et c'est le contexte de la fin des sixties qui va ré-ensauvager celui qui s'ennuie grave dans son royaume de pacotille.
La guerre du Vietnam, les assassinats de Martin Luther King et de Robert Kennedy  vont servir de catalyseur et dynamiter le bel endormi.
Ce n'est pas le baiser d'une princesse charmante mais celui du diable qui va réveiller la star ensuquée, la faire se revêtir de fauve cuir noir pour remettre ses grands pas dans le petit écran !

Il s'agira aussi de redonner du vernis à l'image délavée de la star que d'aucun ont voulu ternir en laissant sous-entendre qu'un racisme ambiant animait l'artiste pourtant (ou justement) largement inspiré par la musique noire. Inspiration simple ou pillage en règle, où est la frontière ? a-t-elle été franchie ? Des questions qui trouveront réponses ici.

Malgré quelques doublons et redites, le récit est fluide et captivant même pour quelqu'un qui, comme moi, n'est pas au fait du rock business des années 60-70.
Racontée un peu comme un thriller, la composition du show ‘spécial Elvis' est une pièce maîtresse de cet ouvrage qui réussi ce qu'il a explicitement décidé de raconter, à savoir un Elvis plus mature en quête d'une autonomie jusqu'alors abandonnée délibérément à son manager/mentor qui le mènera au revival connu de tous, surtout de ceux qui ont dernièrement vu le flamboyant film de Baz Lurhmann dont il corrobore le parti pris scénaristique.

Document hyper approfondi issu, à n'en pas douter, de nombreuses heures de travail d'écoute, de lecture et de visionnage, ce portrait est une véritable réussite et un outil indispensable à qui veut dépoussiérer la légende un peu oubliée de la première rock star internationale que les trop nombreux shows de Las Vegas pour permanentées mémés à perles d'inculture ont ensevelie sous une épaisse couche suffocante de poudre de riz(dicule).

Un document, vraiment !
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