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Critique de tess22


Merci à Babelio et aux éditions Forum Salvator de m'avoir fait connaître cet essai que je n'aurais probablement pas emprunté à ma bibliothèque sinon, tant le titre et le sujet crispent un peu.

Je viens de terminer ma première lecture, ce ne fut pas facile... Il m'en faudra une ou deux autres pour pouvoir pleinement apprécier la beauté du texte, intégrer toutes ces notions sur la psychiatrie et prendre du recul après cet essai saisissant, dérangeant, déroutant, glaçant, tout à la fois optimiste et inquiétant. On le termine infiniment plus informé, plus apte à comprendre les maladies psychiques mais aussi avec une multitude de nouveaux questionnements qui ont surgi au fur et à mesure du texte.

Commençons par la beauté poétique du texte. J'incluerai quelques citations dans la partie réservée aux citations sur Babelio mais en voici une ou deux qui vous donneront un aperçu de la plume de l'auteur :
« C'est en silence que je viens à toi, sur les pas japonais de ce jardin où ne savent pousser que des fleurs muettes, où chante, les yeux fermés, le corps caressant des statues. Viens te nicher à l'ombre de leurs bras qui pour toi s'encorbellent ainsi qu'un creux chaud et hospitalier ».

« Pour aller d'une pièce à l'autre, je n'ai d'autre passage que des étouffoirs où je suffoque, des goulots d'étranglement qui se resserrent sur moi...Je suis happée comme par l'étreignoir des tempêtes, comprimée dans un corps sur lequel se referme inéluctablement un piège irrespirable. »

Cet essai aborde tour à tour les aspects des maladies psychiatriques, les hôpitaux, les traitements, l'historique, les raisons de ces maladies, l'attitude de la société, le suicide, les présences nécessaires, les impatiences, le corps endommagé par la maladie mentale etc

La violence est partout dans la maladie et elle l'est aussi dans le choix des mots pour la décrire. Glanés ici et là, en voici quelques exemples: tristesse abyssale, irrémédiable nullité, cauchemar stupéfiant, chair fissurée, corps sinistré, délabrement intérieur, irrespirable oppression, être dans un piège à rats, bourreau de soi-même, exténuation de tout désir, corps décimé par l'angoisse, esprit gangrené, obsession dévorante de mettre un terme à tous les cauchemars...

Véronique Dufief, aimée de sa famille et amis, avec un métier, un domicile... aura sa première bouffée délirante à l'école normale supérieure et séjournera déjà sept mois à l'hôpital psychiatrique. Malade depuis 30 ans, ce n'est qu'au cours des 5 dernières années qu'elle réussira à parler ouvertement de cette maladie qui fait souvent l'objet d'un déni.

Solitude, isolement, rejet sont les mots qui reviennent sans cesse. Rejet de la société : « combien de nous font rimer île avec asile , comme s'il fallait mettre en quarantaine bien entourés de tous côtés par des eaux barbelées tous ceux dont la folie pourrait menacer.. ». L'isolement est certes la conséquence de cette camisole qu'est la solitude dans laquelle on s'enferme soi-même mais c'est aussi à cause de la société qui stigmatise au lieu d'aimer. L'auteur parle même d'égoïsme exterminateur. L'analyse est juste et sans appel, la société peut plaider coupable...

Les violences légales et institutionnelles sont certes évoquées ainsi que les hospitalisations sous contrainte, les services fermés, la lourdeur des traitements mais aller à l'hôpital peut aussi se révéler salvateur : on n'a plus besoin de faire semblant, on peut pleurer « tout à trac ». le respect de cette misère commune peut procurer un immense réconfort. Concernant les traitements, entre être assommé ou dans une chambre d'isolement, le choix sera vite fait....Prendre des médicaments n'est pas une démission. « Je crois avoir pu me bagarrer parce que je savais pouvoir compter sur l'intendance, l'aimable vivandière pourvoyeuse de baumes sans lesquels je n'aurais jamais été de taille face à l'intolérable ».

Un essai éclairant sur la fragilité psychique.
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