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Critique de Arakasi


« Poète, les romans c'est la société qui les fait ! » dit l'aventurier Salvator à l'écrivain Jean-Robert par une belle nuit de Carnaval de 1820. Il aurait pu tout aussi bien dire « C'est Paris qui les fait ». Car Paris est une fourmilière. Paris grouille de gens, de vie, de lumière et surtout d'histoires. Imaginez-vous déité omnipotente et soulevez les toits de la capitale pour voir ce qui se cache en dessous et c'est toute une nuée de tragédies, de comédies et de romances qui vous sautera au visage. Humez à plein nez et vous sentirez les odeurs de stupre, de suif, de parfum et de sang monter à vos narines. Tendez l'oreille et vous entendrez les amoureux soupirer dans la pénombre, les assassins aiguiser leurs couteaux et les conspirateurs gagner à pas de loup leurs rendez-vous secrets. Et pour vous guider dans ses « Mille et une nuits » parisiennes, quel meilleur guide désirer que le mystérieux Salvator, l'ange-gardien de la plèbe parisienne et omniscient protecteur des petits gens ? Salvator sait tout, Salvator est partout, Salvator est capable de tout. « Mais qui est donc ce fameux Salvator ? » me demanderez-vous. Parbleu, vous l'ignorez ? Mais c'est le commissionnaire de la rue au Fer, pardi !

Avec ses « Mohicans de Paris », Dumas a sans aucun doute voulu faire concurrence aux célèbres « Mystères de Paris » d'Eugène Sue : presque 3000 pages de mystères, d'intrigues, d'histoires d'amour soigneusement emberlificotés. le résultat final est si monumental que j'ai longuement hésité à m'y attaquer. Trop de rebondissements, trop de personnages, trop de tout… Au premier regard, il y a de quoi faire reculer le lecteur le moins timide. Mais enfin, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai fini par en arriver à bout. Qu'en dire ? Déjà que c'est un fameux bordel ! Mais un bordel génial, un bordel fourmillant de personnages attachants ou détestables, d'idées brillantes et de coups de théâtre éclatants – de digressions aussi, mais que serait un roman de Dumas sans ses quelques digressions pour assommer un brin le lecteur entre deux chapitres ? Un bordel donc tout à fait digne d'intérêt dans lequel c'est un pur plaisir de s'immerger et de patauger joyeusement en passant par toutes les gammes d'émotions possibles : rire, pleurs, frissons, mais rire surtout car si la Muse de Dumas oscille souvent du drame à la farce, elle est dans « Les Mohicans de Paris » d'excellente humeur.

Surtout que l'on y patauge en très agréable compagnie ! Passons sur le cortège habituel de jeunes premiers et de damoiselles en détresse dont Dumas ne semble pas vouloir se débarrasser (Oh, Pétrus, Ludovic, comme vous m'avez fait bailler…) et intéressons-nous tout de suite au haut du panier. Quel plaisir d'arpenter les bouges de la capitale en compagnie de l'ingénieux Gibassier, ancien bagnard et escroc de génie ! Quel délice de descendre à la corde dans des puits aux côtés de Monsieur Jackal, le calculateur et brillant chef de la police au nez toujours bourré de tabac ! Quel frisson d'arpenter les catacombes et de creuser des tombes en plein milieu de la nuit auprès du spirituel Salvator ! Et c'est sans compter toutes leurs cohortes d'assistants et d'amis, tous plus amusants les uns que les autres : le brave mais benêt Jean Taureau, la féroce Madame Titine, le chien Roland, la Brocante et bien d‘autres… Je me suis amusée comme une petite folle auprès de tous ces braves gens et c'est avec un pincement au coeur que j'ai dû finalement les quitter.

Bordéliques, intelligents, joyeux, ambitieux, bourrés de vie et d'humour, sans queue ni tête, souvent passionnants, parfois laborieux, « Les Mohicans de Paris » réunissent ce que Dumas sait faire de mieux et – de temps en temps – de pire. Je n'ai pas regretté le voyage. A vous de rassembler assez de courage pour commencer le vôtre !
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