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Critique de karineln


Dans le cadre de mes premières « 68 premières fois », alors même que j'en suis à ma quatrième lecture avec le roman Marguerite, je constate avec amusement et léger dépit mes erreurs de débutante, toute à sa joie fébrile et pétillante et aussi maladroite et inexpérimentée. J'avais parcouru quelques premières chroniques et messages postés autour de cet ouvrage qui suscitait des avis contraires, certains heureux, d'autres plus réservés, teintés d'ennui ou de déception. Mal m'en a pris, j'ai bien perçu ma réticence et un enthousiasme grisé quand j'ai débuté ma lecture. J'ignore si cet état d'esprit, fâcheusement influençable, a joué dans la découverte de l'histoire de cette jeune femme amoureuse, et toute jeune mariée, à l'orée d'une guerre dont elle ne peut deviner la longueur et l'horreur : j'ai éprouvé un peu d'impatience…et n'ai pas eu d'élan vers Marguerite et son Pierre.
Une belle écriture dans un style académique, ou pourrait-on dire classique, joue paradoxalement en sa défaveur…au début. Car il faut bien admettre que ce roman est très bien construit et que, chemin faisant, nous observons la mue de Marguerite, ravie et légère toute consacrée à son foyer et son homme, en une femme mature, aguerrie par la rudesse d'un pays envahi par l'ennemi et vidé de ses hommes. On admire son courage, et sa façon bien quotidienne, sans héroïsme, de résister, de refuser la fatalité et de gagner sa liberté de penser et d'agir, de mener sa barque. La vie rurale nous est parfaitement décrite dans sa dureté, dans les rapports aux autres à la fois méfiants, brutaux et en générosité non revendiquée, sans oublier la solitude. La rugueuse et triste solitude qui emmure et enveloppe tout à la fois : Marguerite s'en empare, accueille son abysse sans fuir son chagrin mais s'y appuie pour épanouir un tempérament certainement larvé, latent.
C'est bel et bien le portrait d'une femme qui apprend à s'écouter au-delà des convenances, sans clameur ou fracas, s'efforçant à réfléchir et à entendre ce qu'elle perçoit de son environnement immédiat, de ses sensations et autorisant la rencontre avec l'altérité… Marguerite évolue intelligemment et simplement et puise sa force dans les richesses de la terre, dans l'acceptation d'un temps qui défile et vieillit, dans l'observation d'un corps qui se bat, se muscle et se courbe, dans une féminité un peu ternie mais jamais vraiment abandonnée….et tout ça sans manifestation de grandeur, sans discours grandiloquent, dans la discrétion des plus grands.
L'écriture est classique mais réussit à nous faufiler dans les détails d'un quotidien de campagne qui en fait son charme. Je n'ai d'ailleurs pas relevé de phrases, ni de passages précis….J'ai d'avantage été prise dans une atmosphère, un décor, un rythme que l'écriture sert avec beaucoup de justesse. Rien de révolutionnaire sans doute dans ce roman à l'image de cette femme tout à la fois singulière et normale, tout juste « fort caractère » jeté au piloris de la bêtise groupale assoiffée de vengeance et de pouvoir, une femme qui drapera et protégera de son silence la liberté d'être soi, une femme comme de nombreuses autres sur qui les projecteurs ne se braquent pas malgré une force et une solidité dignes des bravoures honorées.
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