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Critique de zazy


« Pensez donc, elle a couché avec les Allemands, Marguerite. C'est écrit en gros sur son front et ses joues : trois croix gammées peintes avec le trait épais et gras du goudron encore tout frais».
Nous sommes en août 1944 dans une petite ville française désertée par les allemands. Des mâles ont chopé deux femmes, dont Marguerite, accusées d'avoir couché avec l'occupant. Ces hommes qui la tondent se prétendent de la résistance, mais certainement juste après le départ des allemands ! Mais là n'est pas l'argumentaire du livre de Jacky Durand.
Après cet épisode, nous remontons le temps. Août 1939, Marguerite est heureuse, elle vient de se marier avec son homme, Pierre. Un bonheur qui ne durera qu'un mois.
« La guerre va frapper à leur porte, Marguerite le sait, Pierre sait qu'elle sait mais ils n'en parlent pas. le silence est la plus supportable des complicités. »
Pierre part au front, enfin là où on l'envoie dans cette drôle de guerre. Commence le mal de l'absence du corps de Pierre, l'ennui, la lente descente dans la solitude.
« C'est le vide et le silence qui se sont engouffrés entre les murs. Tout est devenu froid, inanimé. »
Une petite éclaircie avec une permission volée et des retrouvailles teintées de gris un soir de Noël, puis plus rien, il est prisonnier quelque part.
Heureusement quelques figures bienveillantes mettent un peu de bleu dans son ciel gris. Raymonde la receveuse des Postes, entrée en résistance, lui propose des heures de ménage. Ce sera sa première décision prise sans en référé à son homme. Germaine sa vieille voisine, tant détestée aux heures heureuses, la soutient.
André, un jeune gitan va lui permettre de redonner un peu de sens à la grisaille de sa vie. Juste avant Noël,
« Un gamin rougeaud apparaît, il a les bras chargés de paniers en osier de toutes les ailles dont les anses strient sa pauvre veste rapiécée ». Après l'avoir refoulé, elle remarque que le gamin à la place de godasses « a les pieds enroulés de lambeaux de tissus crasseux maintenus par de la ficelle ».
Prise de pitié, elle lui achète un panier, lui offre un bon café chaud et une tartine beurrée, quelques provision et… la peau du lapin qu'elle vient d'écorcher. C'est leur première rencontre, mais pas la dernière. Un rituel se met en place ; chaque dimanche, il vient manger avec elle et repart avec nourriture et vêtements pour lui et sa famille qui vit dans une roulotte délabrée.
Un jour, elle découvre André chantant la Marseillaise à un soldat allemand ! Imaginez la scène ! C'est ainsi qu'elle fait la connaissance de Franz officier allemand, occupant... Les clichés sur le boche en prennent un coup avec cet allemand qui prend André, un gitan, sous son aile.
«Plus courageux que la plupart de ses voisins. Elle veut savoir pourquoi il agit ainsi, à prendre des risques qui pourraient le mener au peloton d'exécution. ».
Des sentiments contradictoires agitent Marguerite, entre attirance et méfiance, curiosité et peur.

Petit à petit Marguerite découvre la liberté, s'enhardit, est capable de tenir tête au contremaître de l'usine où elle travaille comme un homme, accepte de déplaire aux autres, à ne pas être un mouton. Je la vois prendre de l'assurance au fil des pages. le manque de Pierre se dissipe pour laisser place à un espace de liberté et une crainte du retour, quelque chose d'indéfinissable, même si elle pense que son Pierre n'est pas comme les autres
« Mais Marguerite, elle, redoute qu'avec les hommes revienne la soumission »,
.Marguerite découvre la liberté de soi. Forte tête, elle a trouvé un certain équilibre dans la solitude, s'abrutissant des besognes autrefois accomplies par Pierre, elle y trouve beaucoup de fierté.
André satisfait son besoin de tendresse, de prendre soin de quelqu'un d'autre. C'est osé, à cette époque, d'aider des gitans, alors voués aux camps d'internement.
Marguerite ne veut pas que je m'apitoie sur son sort et l'écriture de Jacky Durand par une certaine distanciation permet cela. Pourtant, à certains moments, le voile se déchire et l'émotion arrive.
Une femme digne.
Livre lu dans le cadre des 68 premières fois

Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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