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Critique de Ys


Ys
02 février 2015
En votant pour ce titre dans une liste présélectionnée pour mon club de lecture, je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Quelque chose d'intrigant, sans aucun doute, de fort, peut-être bien, mais certainement pas cette grande mandale en pleine tronche, de celles qui vous laissent à moitié assommé et irrémédiablement conquis.
(Mes instincts masochistes se portent à merveille, vous remercient de vous soucier de leur sort et vous saluent bien bas. Mais revenons-en à nos moutons. Qui arrivent avant les cochons, ne vous inquiétez pas, vous aurez droit aux deux.)

Le Seigneur des porcheries est - outre une histoire de cochons et de moutons - une histoire de vengeance. Une des plus folles, une des plus apocalyptiques et improbables vengeances qu'ait inventé la littérature contre ce que la société peut avoir de plus vil et de plus laid. Pas de longue et subtile machination à la Edmond Dantès ici, mais un principe aussi simple qu'efficace : ceux qui vous ont traité comme de la merde, noyez-les donc dans leur propre merde.
Plus qu'efficace, même : ravageur.

John Kaltenbrunner - dont la vie nous est contée dix ans après la fin de l'affaire par un ancien "compagnon d'armes" soucieux de rétablir la vérité à son sujet - pourrait facilement concourir au rôle du gamin le plus malchanceux de l'histoire. Un gamin de ferme crasseux, surdoué et dérangeant, quelque part entre le génie et l'autiste, poursuivi par une Poisse phénoménale, élevé sans amour et enseveli sous une avalanche de mauvais traitements, de cruautés et d'injustices. de quoi rendre n'importe qui à moitié fou et ttransformer l'asocial lambda en quasi sociopathe, le talent créatif en instinctde pure destruction.

Mais... ça ne fait pas un peu trop, tout ça, vous demandez-vous probablement à ce stade ? Oh si. Sans aucun doute. Cette accumulation sans espoir de beauferie teigneuse, de méchanceté mesquine, entre les parois d'une même vallée, comme la crasse d'une armée de clochards dans la bonde saturée d'un bidet, est assurément plus proche de la caricature que de l'étude sociale un tant soit peu nuancée. Mais on s'en fout. Et même : c'est justement ça qui est si bon, c'est cet ancrage assumé dans l'excès qui donne au récit tout son impact, toute sa puissance symbolique. Kaltenbrunner n'est pas qu'un individu qui se venge d'autres individus - il devient l'esprit même de revanche pour tous ceux qui furent un jour persécutés, pour tous ceux qui un jour se retrouvèrent seuls et démunis face à l'hostilité opaque du groupe. Ce qui ne l'empêche nullement d'être un personnage à part entière, le seul pleinement individualisé, de loin le plus subtil et travaillé de tout le roman.
Et quel personnage ! Tissé du juste mélange de force et de mystère pour entrer dans la légende. Explosif, cinglé, pathétique, agaçant, admirable, désolant - remarquablement charismatique et, par dessus tout, terriblement attachant.
Un coup de poing droit au coeur, dont j'ai à peine envie de me remettre.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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