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Critique de Gruizzli


Je commence à découvrir le travail de Will Eisner, auteur encensé outre Atlantique, et je dois dire que j'aime bien son travail. Dans ce nouvel opus, Eisner s'attaque à nouveau à l'image que la communauté juive renvoie, et plus particulièrement avec le personnage de Fagin le juif, dans Oliver Twist. Pour ma part je n'ai jamais lu le livre de Dickens, mais j'en connaissais vaguement les grandes lignes, et de toute façon ça n'est pas nécessaire pour lire cette BD. Et tant mieux !

L'originalité du propos est de souligner la raison qui pousse Dickens à mentionner perpétuellement Fagin comme juif avant tout. Et en s'attachant à montrer la communauté juive ashkénaze (et non séfarade) telle qu'elle était dans cette période de révolution industrielle. La représentation des quartiers pauvres, de la misère crasse et du quotidien de ces personnes permet de mieux appréhender pourquoi le terme juif était à l'époque si connoté, et surtout si mal connoté.
J'ai beaucoup aimé la façon dont Eisner montre que les bonnes volontés ne suffisent pas. Sans aller à dire qu'il fait de la sociologie, il s'attache à montrer que Fagin ne fut jamais un mauvais homme, mais un homme qu'on obligea à être mauvais. Mal traité, jamais considéré, jamais aidé, il se réfugia dans la seule chose qu'il connaissait : les bas-fond d'une ville en pleine croissance. Sa vie est à l'opposée de celle d'Oliver Twist : rien ne viendra le sauver comme le Deus Ex Machina tant attendu (le collier que portait Oliver Twist dans son cas) et il mourra dans la même misère que celle où il vécut. C'est une part de réalité bien sombre, malheureusement bien trop courante à cette époque (et pas forcément moins courante à la nôtre) et qui permet d'expliquer que tout ceci n'est en rien dû à sa religion, mais à la société qui existait. Et le message est sacrément louable, surtout lorsque Fagin interagit avec Dickens.

Niveau dessin, je trouve encore que Eisner a un style très "souple" dans les corps, comme si tout bougeait en permanence. C'est assez étrange à mon goût, comme certains vieux Disney où les postures et les corps sont très mobiles, de toute part. Mais ce n'est pas dérangeant, et le trait supporte très bien l'histoire. Les détails sont parfois un peu confus, cela dit.

Ce que j'ai bien aimé, c'est que cette histoire a un message important, aussi bien pour l'auteur que pour nous, et rappelle que si nous stigmatisons une partie de la population derrière un terme, il est peut-être bon de se pencher sur les raisons qui ont amené ce terme à coller à eux. Aujourd'hui, il est mal vu de parler en mauvais termes des juifs, mais remplaçons Fagin le juif par Mohammed le beur et nous aurons une histoire tout aussi actuelle. Une belle façon de permettre aux lecteurs de réfléchir au sens des stéréotypes dans les ouvrages de fiction, et également de comprendre pourquoi la lutte contre eux est importante.
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