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Critique de sophietaam


Le cadre de ce troisième roman de Alaa El Aswany se situe au Caire à la fin des années 40, c'est-à-dire peu de temps avant le coup d'état de 1952 qui renversera la monarchie sous protectorat britannique. On découvre les dessous et prémisses d'une rébellion dans une société engluée dans les hiérarchies et les despotismes injustes. Les espaces-temps de tous ses personnages se concentrent peu à peu tout en gravitant autour de l'Automobile Club d'Égypte. Ce lieu est hautement symbolique car il représentait alors simultanément la domination anglaise et la toute-puissance d'un roi corrompu et les liens pervers et complexes entre les deux.
Au fil d'une dizaine d'années, nous suivons l'évolution d'une famille composée de quatre enfants : Saliha, la soeur brillante mais à l'avenir compromis de par son sexe, Mahmoud, le frère au physique imposant mais un peu naïf, Kamel, l'étudiant engagé qui combat secrètement le régime, et enfin Saïd, l'opportuniste égoïste. le père, Adelaziz Hamam, est décédé sous les coups du redoutable chef des serviteurs de l'Automobile Club, El-Kwo, bras droit du roi, et la mère, Oum Saïd, est un modèle de courage, de stabilité et de tolérance. Chaque enfant empruntera un chemin différent, selon ses limitations, ses convictions, son caractère. À travers eux, on retrouve le destin des Égyptiens essayant de survivre tout simplement, en profitant du système colonialiste, ou bien engagés à lutter contre le despotisme et la corruption. L'Automobile Club est lui aussi divisé en deux types d'hommes : ceux qui décident de réclamer leurs droits coûte que coûte et refusent la notion de serviteur au profit de celle de travailleur, et l'immense majorité, fataliste, résignée et apeurée, qui considère les frondeurs comme de doux utopistes et préfère s'incliner devant le pouvoir injuste symbolisé par El-Kwo. le dénouement est d'autant plus tragique que, a posteriori, on sait la victoire des rebelles proches dans le temps : mais combien d'activistes ont dû sacrifier leur vie pour qu'elle se produise ?
Alaa El Aswany explore dans ce magnifique roman l'âme humaine soumise à la tentation, du sexe, de l'argent facile, face à une religion surpuissante et culpabilisatrice. Ses personnages sont humains, si proches de nous, même s'ils sont entraînés parfois malgré eux dans l'Histoire de l'Égypte : il y a des moments d'une vie ou de l'Histoire où il faut choisir son camp, comme les serviteurs de l'Automobile Club. Tous les rapports de force y sont décrits avec une grande subtilité et beaucoup d'humanisme, que ce soit les colonisateurs envers les Égyptiens, les hommes envers les femmes ou les parents sur les enfants.
Alaa El Aswany a utilisé la même structure littéraire que pour ses romans précédents, et, là aussi, elle fait merveille – impossible de lâcher le livre une fois commencée. Il fragmente les histoires individuelles en prenant soin de laisser le lecteur à chaque fin de séquence sur un irrésistible suspens. Peu à peu, tous ces parcours individuels, tels des morceaux de puzzle, semblent prendre un sens et fusionner en l'Histoire d'un pays à une période particulièrement palpitante.
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