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Critique de berni_29


Lire c'est rêver, lire c'est rêver de s'envoler...
Pourquoi lisons-nous ? Peut-être simplement pour la beauté de certains textes qui nous mettent en apesanteur. Pour les vertiges qu'ils nous procurent.
J'ai aimé ce livre pour cela, sa différence, son humanité, sa poésie, l'amour aussi qu'il porte en ses pages... J'ai aimé cet amour.
Certains connaissent ma frilosité, pour ne pas dire plus, vis-à-vis des romans de SF. J'y entre parfois comme un pachyderme dans un magasin de porcelaines. Aussi, n'était-ce pas avec une certaine appréhension que j'allais vers ce roman. Mais comme j'adore les oiseaux, - en général sur ce thème je fonce les ailes déployées, je n'ai donc pas regretté ici d'avoir décidé d'aller sillonner au-dessus de ma zone d'inconfort, inconfort relatif car les deux protagonistes sont venues à moi avec la grâce de leurs mots.
Les oiseaux du temps est un court roman de moins de 200 pages qui met en scène deux combattantes appartenant chacune à deux camps ennemis, deux combattantes d'une guerre temporelle sans fin.
Ce sont deux camps qui s'opposent, l'un plus mécanique, l'autre plus biologique.
L'une s'appelle Bleu, l'autre s'appelle Rouge, du moins c'est par ces noms-là qu'elles viennent à nous, qu'elles viennent à elles, qu'elles sont venues à moi. Elles sont les meilleures guerrières de leurs factions. Ce sont deux personnalités, l'une vive et l'autre douce, deux méthodes de combat.
Le hasard n'existant jamais, surtout dans les voyages temporels, elles vont décider de se rencontrer pour notre plus grande jubilation.
Elles se combattent déjà depuis des temps immémoriaux, elles s'épient, elles s'observent, elles finissent par s'admirer.
Elles sont peut-être aussi en guerre avec elles-mêmes.
Un jour, Rouge reçoit une lettre de Bleu... Elles vont alors s'engager dans une longue correspondance par-delà les siècles, à travers les époques et les champs de bataille.
Mais ces lettres ne peuvent être lues qu'une seule fois, car c'est une correspondance interdite, elles sont sous la surveillance et la menace de leur propre camp. Une fois lues, leurs lettres disparaissent.
C'est une amitié qui naît. Ces lettres deviennent peu à peu le refuge de leurs espoirs, de leurs envies, de leurs doutes et de leurs rêves. L'intimité vient plus tard. Ici, plus tard, cela veut dire parfois un an, dix ans, ou parfois cent ans...
Parfois l'amitié est seulement à un battement d'aile de l'amour. Alors, il y a comme un vertige, une ivresse dans ce mouvement de colibri... J'aime ce vertige...
Leurs lettres deviennent de plus en plus personnelles.
Elles vont tout faire pour préserver ce bien précieux tissé par leur relation, elles vont tout faire envers et contre tout.
Un amour fragile et dangereux va naître peu à peu de leurs échanges.
Ce sont des lettres d'une pure beauté, celles qu'on rêve d'écrire, celles qu'on rêve de recevoir, ne serait-ce qu'une seule fois peut-être dans sa vie...
Ce récit m'a surpris, m'a cueilli au vol.
Il m'est difficile de vous définir les contours de ce récit insolite, totalement à part, d'une identité unique. C'est un récit surprenant. Je n'ai jamais encore lu quelque chose qui ressemble à cela. J'y ai vu à la fois bien sûr un récit de fantasy, mais aussi un roman épistolaire, un voyage dans le temps, une gourmandise poétique, une odyssée temporelle, une histoire d'amour tout simplement.
Parfois je me suis un peu perdu dans les entrelacements de l'histoire, mais j'ai compris que ce n'était pas là l'essentiel. J'ai compris que le sens du roman était ailleurs.
Tandis qu'elles s'écrivent, elles traversent les continents et les siècles, parfois c'est un monde à feu et à sang. À la lisière de leurs lettres, il y a des mondes qui s'effondrent sans cesse. D'autres qui recommencent...
Il y a quelque chose qui m'a rappelé l'insolence et la fragilité des héros des tragédies antiques, tels Achille ou Ulysse par exemple.
Il y a aussi les thèmes qui s'invitent autour et dans leurs lettres : la différence, l'altérité, l'humanité, l'amour...
Si l'amitié, c'est entrer dans le coeur de l'autre pour y déposer une île, je suis prêt de nouveau à jeter ma barque sur ce rivage inconnu à découvrir. Je suis prêt aussi à ouvrir mon coeur comme un rivage qui peut recevoir.
J'ai aimé ces lettres, j'ai aimé cet amour, j'ai aimé ce voyage temporel comme le théâtre d'une guerre absurde et infinie où viennent se fracasser les rêves d'amour. Comment ne pas alors y voir un clin d'oeil à l'histoire de Roméo et Juliette dans cet amour impossible ?
Comment ne pas y voir aussi une merveilleuse allégorie de notre monde actuel ?
Parmi les sentiments qui traversent ce roman, une chose m'a paru évidente ici, c'est l'amour, l'amour comme quête mais aussi comme résilience aux malheurs du monde. Et c'est pourquoi ce récit m'a touché en plein coeur.
Il fallait sans doute alors deux plumes talentueuses qui s'unissent pour produire quelque chose qui effleure le sublime Amal El-Mohtar et Max Gladstone. J'imagine qu'ici la traduction est une prouesse.
Parfois le coeur est une volière où gisent des rêves encore à peine éclos.
Lire c'est peut-être alors s'envoler pour de bon...

Je te remercie, Sandrine, de m'avoir donné envie de venir vers ce récit, à tire d'ailes.
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