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Critique de Apoapo


Jacques Ellul fut l'illustre philosophe politique de l'anarchisme chrétien(-protestant) de la France de l'Après-guerre. Résistant, théologien et historien des institutions, spécialiste de la propagande, pourfendeur de la technocratie, il dénonçait un État de plus en plus hypertrophié à la mesure de la bureaucratisation de ses organes et une politique gestionnaire répondant aux impératifs de l'efficacité économique, dont les valeurs morales étaient évincées. le véritable politique des idéaux, et surtout la démocratie réelle lui sembleraient en péril, remplacés par un simulacre vide et cependant capable de susciter trois types d'« illusions » autant chez ceux qui exercent le pouvoir que chez les citoyens.
Cet essai remonte à 1965 : l'économie est en pleine croissance, le PCF et les syndicats sont forts en France, la scène internationale est caractérisée par l'omniprésence de la bipolarité Est-Ouest et par le grand mouvement de la décolonisation. On ne parle pas de dépolitisation des citoyens, mais, bien au contraire, de leur « politisation » (intitulé de l'Introduction), car, dans la vie de tous les jours, « tout est politique », au point que « participer à des activités non politiques, mais parfaitement en relation avec notre société, est considéré comme sans valeur » (p. 29). L'État est tout-puissant, non seulement dans le bloc communiste, mais aussi en France, d'après Ellul, au moins sous forme d'aspiration des citoyens à une « religion DE l'État ».
Alors que le néolibéralisme n'a pas encore été imaginé, l'idée même que l'État puisse s'autolimiter voire s'autosaboter devant une superstructure plus puissante, le marché capitaliste globalisé, ne pouvait certes pas venir à l'esprit de quiconque. Pourtant, selon certains, Ellul garde une part d'actualité en ceci qu'il avait prévu le déclin du politique, et précisément en relation avec l'impératif de l'efficacité économique, qui à son époque était celle qui animait la compétition entre les deux blocs.
Au cours de cette lecture qui n'a pas été très probante pour moi sur la question de l'actualité, je me suis néanmoins efforcé de retenir et de citer les notions qui me paraissent susceptibles de conserver une certaine pertinence aujourd'hui. La plupart des démonstrations sont caduques, à la fois celles qui concernent la comparaison (souvent analogique et rarement antinomique) entre les systèmes capitaliste et communiste, et celles qui déplorent l'accroissement monstrueux des attributions et institutions étatiques. Je me suis efforcé de ne pas commettre d'anachronisme capable de susciter l'eurêka des inconditionnels du philosophe qui lui trouvent peut-être trop d'intuitions prémonitoires et sont peut-être trop prêts à transposer vers le néolibéralisme les griefs qu'il exprimait contre l'État.



Table [avec quelques éléments de synthèse et le renvoi aux cit.]

Introduction – La politisation

Chap. Ier – le nécessaire et l'éphémère [cit. 1] :
1. le nécessaire [Diminution du choix des politiques à cause de l'impératif technocratique de l'efficacité]
2. L'éphémère [Action conjointe de la société de consommation et de l'actualité médiatique]

Chap. II – L'autonomie du politique [par rapport à la morale] :
1. le monopole de la violence [Weber et aujourd'hui]
2. Contestations [cit. 2]

Chap. III – le politique dans le monde des images [fabrication de l'opinion publique, cf. cit. 3] :
1. le fait politique [le "fait" et la propagande]
2. L'univers psychopolitique et les problèmes politiques [cit. 4]
3. L'action politique

Chap. IV – L'illusion politique : le contrôle de l'État :
1. La bureaucratie [cit. 5]
2. L'administration et les hommes

Chap. V – L'illusion politique : la participation [cit. 6]

Chap. VI – L'illusion politique : « la solution politique » :
1. La politique comme solution générale [cit. 7]
2. La politique comme accomplissement des valeurs

Chap. VII – Dépolitisation et tensions :
1. Dépolitiser ? [Non, cela n'est pas un "plaidoyer pour l'apolitisme"]
2. La tension [Pour une dialectique de la tension et contre la rhétorique de l'adaptation. Cf. cit. 8]

Chap. VIII – L'homme et la démocratie [Comment la démocratie réelle est-elle possible dans la fiction de l'absence du conflit] :
1. La nouveauté du problème [cit. 9]
2. L'homme démocratique.
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