Daniel Cérézuelle vous présente son ouvrage "La technique et la chair" et "La nature du combat : pour une révolution écologique" écrit par
Bernard Charbonneau et
Jacques Ellul aux éditions l'Echappée. Entretien avec Lucas Chaintrier.
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https://www.mollat.com/livres/2579013/bernard-charbonneau-la-nature-du-combat-pour-une-revolution-ecologique
Note de musique : © mollat
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Sans penser que demain, peut-être, savoir cultiver un bout de terrain, allumer un feu de bois et faire des pansements corrects seront plus utiles que tapoter sur un clavier.
Cité dans Jacques Ellul : L'homme qui avait presque tout prévu de Jean-Luc Porquet
[...] la technique nous est dorénavant présentée comme la seule solution à tous nos problèmes collectifs (le chômage, la misère du tiers monde, la crise, la pollution, la menace de guerre) ou individuels (la santé, la vie familiale, et même le sens de la vie) [...] Et il s'agit bien de bluff, parce que dans ce discours l'on multiplie par cent les possibilités effectives des techniques et que l'on voile radicalement les aspects négatifs.
Dans l'esprit de Jésus, nous combattons la violence en nous attaquant à la peur. Jésus dit aux opprimées : " Si on te frappe sur la joue droite, tend la joue gauche", il cherche ainsi à les libérer de la peur devant la violence de leurs oppresseurs. p.149
Je ne puis condamner les opprimés qui pour se révolter prennent les armes et se lancent dans la violence, mais je pense leur révolte inefficace pour une réelle révolution : ou bien les opprimés seront écrasés par les forces des gens du pouvoir, ou bien, quand le pouvoir en place sera renversé, ils auront acquis le goût du pouvoir par les armes, ils deviendront alors les nouveaux oppresseurs et tout sera à refaire.
Pour une véritable révolution, il faut trouver le moral de s'engager à faire disparaitre ce qui est à l'origine de toutes les violences : l'esprit de hiérarchie et la peur ; la peur qu'éprouvent les dominants de ne plus pouvoir vivre s'ils renversent leurs maitres, les pousse à accepter la violence qu'ils subissent. Ils trouvent eux-mêmes une compensation en cherchant à dominer sur d'autres, toujours au prix de la violence dans le cycle infernale de révolte-répression...
Car ce qui est essentiel, c’est d’obtenir une « impression », un « sentiment ». Pourvu que le peuple ait l’impression de vivre en démocratie, que le gouvernement « paraisse » démocratique aux yeux de l’opinion, c’est évidemment l’essentiel. On connaît parfaitement des gouvernements très démocratiques qui donnent l’impression d’être autoritaires, inversement des gouvernements dictatoriaux qui savent créer l’opinion dont ils ont besoin pour qu’ils soient ressentis comme démocratiques : ainsi les démocraties populaires.
(p.178)
Ce n’est pas la technique qui nous asservit, mais le sacré transféré à la technique.
Croire que l'on a la solution des problèmes politiques ou économiques est une des catastrophes de notre société : les plans, la planification dans tous les domaines sont, autant que la prévisionnite, une maladie mortelle. En ce sens notre société est pire que celles où l'on vivait dans un univers religieux, car ces sociétés connaissaient le doute et les incertitudes, alors que le croyant en des solutions scientifiques et techniques est l'inexpiable bourreau collectif de notre monde, insensible aux remords autant qu'aux scrupules.
Donc, satan, l’accusation, prolifère dans notre monde. Mais ici encore, le drame est que l’accusateur a d’abord utilisé l’Église. Elle est devenue l’origine, puis le perfectionnement, puis le modèle de toutes les accusations, de tout le système inquisitoire. Elle a fait passer les mécanismes accusatoires du domaine privé, personnel, au domaine collectif et institutionnalisé. Sans vouloir exagérer l’affaire de l’Inquisition, c’est quand même exact qu’il y a eu là une perversion prodigieuse de la Révélation, d’un tout fondé sur le Pardon on est passé à un tout fondé sur l’Inquisition.
(page 214)
Il ne faut pas confondre travail et vocation. Le premier est de l'ordre de la nécessité, de la contrainte. La seconde est une action guidée par un élan spirituel et elle est susceptible de modifier, dans une plus ou moins grande mesure mais dans un sens chrétien tel que l'entend Ellul, la forme du monde où nous vivons. Cette action ne peut être que gratuite, car il y a contradiction entre le travail salarié, marchand et un engagement auprès de ses semblables censé traduire une grâce divine. Pour éviter une dichotomie trop importante entre ces deux parts de vie encore convient-il qu'il y ait une relation dialectique entre les deux sphères d'activité : le travail rémunéré doit être vécu comme une source d'expériences pouvant être réinvesties dans l'activité militante et inversement.

Arbeit macht frei, grande formule inscrite à la porte des camps de concentration par les nazis. Car eux aussi participent à la communion fraternelle en la valeur travail. Et comme ils ont bien compris, comme ils ont bien exprimé le lieu commun fondamental, ils ne sont pas assez stupides pour inscrire sur leurs frontons "voi ch'entrate, lasciate... (note en bas de page : Lasciate ogne speranza, voi ch'entrate, vers fameux du chant III de l'Enfer de Dante, généralement traduit en français par l'alexandrin : Vous qui entrez ici, laissez toute espérance.) C'est ici l'astuce et le plus grand mensonge mais qui leur est fourni par la société bourgeoise, et par la société communiste. Vous êtes enfermés, vous êtes mal nourris, vous êtes mal traités, vous avez froid, vous êtes sous le coup de la mort, mais il y a une espérance : le travail. Quoique derrière des barbelés le travail vous libère, vous apporte dignité, vertu, justice, vous êtes encore un homme puisque vous travaillez. Vous êtes un homme libre parce que le travail c'est la garantie et l'assouvissement de votre liberté intérieur. Et cette admirable trouvaille, que seuls de mauvais esprits peuvent considérer comme dérision, peut s'appliquer partout : ouvriers soumis au patron, le travail rend libre, c'est la même démonstration. Russe soumis à la dictature stalinienne, le travail rend libre, c'est la même démonstration. Et toi homme tout court, n'importe quel homme, qui vis dans une société absurde, qui n'as plus de foi an Jésus-Christ, qui es livré aux puissances déchaînées, qui ne sais pas si demain existera encore, qui es saisi par l'angoisse de ta condition, et trouves que ta vie n'a pas de sens, tu as de la chance, une bien grande chance : tu travailles, tu travailles beaucoup, tu travailles de plus en plus, et alors par là, tu le vois bien, tout est en place, tu es un homme libre. Même démonstration.