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Critique de Eleusis


[Challenge Monopoly 2015]

L'Histoire sans fin commence comme beaucoup de contes fantasy, avec un univers trop merveilleux pour être vrai : licornes, trolls en tous genres, dragons de fortune, etc. On découvre ce monde en même temps que Bastien, petit garçon rondouillard et aux jambes torses qui, après s'être réfugié dans une librairie pour échapper à des camarades, vole un livre qui exerce sur lui une attirance toute particulière. Il s'installe dans le grenier de l'école, persuadé d'être devenu un criminel et se met à dévorer (assez lentement si on prend les indications de la narration un peu trop à la lettre) L'Histoire sans fin. le pays fantastique, dirigé par la Petite Impératrice, est menacé par le néant, et elle envoie un jeune guerrier, Atréyu, à la recherche d'un remède pour elle et son monde. Au fil de la lecture, le lecteur puis Bastien (il est un peu lent à comprendre, Bastien) finissent par prendre conscience que c'est un humain de notre monde que les personnage de L'Histoire sans fin appellent de leurs voeux – puis que c'est en fait Bastien, le lecteur, qui est invité à agir sur ce monde en perdition. Pour cela, le jeune garçon doit simplement donner un nom à la Petite Impératrice.

Nous voilà arrivés à la moitié de l'ouvrage et à la fin du premier film. A ce moment-là, le roman prend un tournant particulier. Si l'univers évoqué est à la fois riche et inquiétant et que l'on veut, à la suite de Bastien, en découvrir davantage – voire sauver – le pays fantastique, celui prend un tout autre sens quand on comprend ensuite comment il se forme. le jeune garçon arrive en effet dans un monde aveugle, qui renaît de ses désirs. Or, le propre des désirs, c'est qu'ils ne sont pas mus par une volonté consciente, mais par quelque chose de bien plus profond ; et qu'il est bien difficile de savoir ce que l'on veut vraiment – et si cela est bon pour nous. Ainsi, après nous avoir embarqués dans une expérience de méta-lecture (il paraît que mise en abyme n'est plus à la mode), L'Histoire sans fin nous donne à voir la représentation métaphorique d'une vraie introspection, nous plongeant malgré nous – et sans qu'on s'en rende compte, au début – dans la psyché de Bastien, gamin de douze ans mal dans sa peau. Celui-ci porte l'Auryn, bijou de la Petite Impératrice qui exauce le moindre de ses désirs. Il en profite pour apparaître beau et admirable aux yeux des héros dont il a suivi l'histoire et auxquels il aimerait ressembler. Mais à chaque désir satisfait, Bastien perd un de ses souvenirs. Bientôt, sa personnalité change et bientôt l'urgence de regagner son monde se fait sentir : sans souvenirs, comment pourrait-il en effet nourrir un désir, et retrouver son chemin ? L'étrangeté du pays fantastique, formé à partir des désirs et des fantasmes des hommes, s'explique soudain, et en paraît d'autant plus fascinante – dérangeante, aussi.

On a pu reprocher à cette deuxième partie d'être moralisatrice et bien-pensante, mais je n'ai pas du tout vu de condamnation morale dans le comportement de Bastien. On est loin (comparons l'incomparable !) des drames que traverse Sophie dans les livres de la comtesse de Ségur et qui l'amèneront à suivre le droit chemin des petites filles modèles. D'ailleurs, le livre gère la question de manière très progressive. On comprend les premiers élans de Bastien, quand bien même on trouverait ça dommage. On a tous voulu paraître plus beaux, plus intelligents, plus admirables qu'on ne l'est réellement, même sans être pris dans les affres de la pré-adolescence. Ensuite, on le condamne, comme un de ces mauvais exemples qu'on a tous pu croiser dans notre vie. Enfin, on prend conscience avec lui ce qui l'a amené à de telles extrémités et, qu'on lui pardonne ou non, je crois pouvoir dire qu'on le comprend. Bastien apparaît en cela comme un personnage très humain, pas idéalisé une seconde – hormis par lui-même – et ça en fait tout de même un personnage riche et fouillé, a fortiori pour une oeuvre que l'on rattache plus ou moins à la littérature jeunesse.
Lien : https://gnossiennes.wordpres..
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