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Critique de Presence


Ce tome comprend les épisodes 37 à 42 de la série et il fait suite à "Barracuda" (épisodes 31 à 36).

Le Punisher est prisonnier d'un criminel qui se rêve déjà en baron de la drogue. Après avoir rétabli une plus juste mesure, Castle décide de vérifier ce que cet ex-futur caïd a laissé échapper : les russes auraient promis une récompense pour son exécution. La piste l'emmène en Afghanistan. le général Nikolai Alexandrovich Zakharov séjourne lui-même dans ce pays et il a très envie de voir Frank Castle pour clarifier le massacre de ses troupes dans une base abritant un silo à missile (dans Mère Russie). Il souhaite le capturer pour détenir la preuve de l'implication des États-Unis dans les événements de ladite base. Il dispose d'une source d'informations : William Rawlins, traître à la CIA qui a survécu à une rencontre avec le Punisher. Enfin, Kathryn O'Brien (l'ex-femme de Rawlins) est également sur place pour assouvir sa vengeance sur les hommes qui l'ont violentée.

C'est avec ce tome que le lecteur prend conscience que Garth Ennis a utilisé la même structure pour cette série du Punisher que pour celle du Preacher. Il a conçu son histoire sur une soixantaine d'épisodes (avec un découpage préformaté pour la réédition en tomes, par tranche de 6 numéros), et les différentes pièces du puzzle commencent à s'assembler. À bien des égards, ce tome illustre le thème développé dans "Kitchen Irish" : la violence engendre la violence dans un cercle vicieux sans fin. Frank Castle met un point d'honneur à apporter une fin définitive aux criminels qu'il rencontre. Il apprend ici le nom du responsable du massacre du silo et il s'est fixé comme devoir que les criminels ne continuent pas leurs massacres.

Comme à son habitude, Ennis raconte d'abord et avant tout une histoire pleine de péripéties, d'affrontements, de sadisme et de moments politiquement incorrects. Dans les péripéties, le lecteur a droit à un séjour dans les régions les plus inhospitalières de l'Afghanistan, et ça n'a rien de touristique. Il y a aussi des usages répétés d'armes lourdes avec destruction et tueries à la clef. Dans le sadisme, le lecteur retrouve la cruauté dont font preuve les ennemis entre eux, avec un pragmatisme à toute épreuve (les uns comme les autres insistent sur le fait qu'il s'agit simplement des règles du jeu).

Dans le politiquement incorrect, Ennis n'y va pas avec le dos de la cuillère. En Afghanistan, il y a des talibans et ces extrémistes sont décrits comme de terribles hypocrites (avec une mention spéciale pour le violeur qui traite sa victime d'impure). Ce n'est pas la première fois qu'Ennis dépeint des fanatiques religieux de la pire manière qui soit, et les intégristes musulmans sont traités à la même enseigne que les autres. Ennis expose sa vision idiosyncrasique de la guerre dans ce pays : il faut occuper les soldats du monde entier dans des conflits (après tout c'est leur métier) et l'Afghanistan est sacrifié par la communauté internationale en connaissance de cause pour que les soldats puissent prendre l'exercice.

Le récit atteint là les limites des capacités d'Ennis. Son analyse politique reste dans la caricature, loin de toute connaissance réelle de géopolitique. Ce qui est plus inattendu, c'est qu'Ennis expose une corde sensible de Frank Castle. Ennis renouvelle l'exploit de mettre à nu les rares traces d'humanité qui subsistent en Castle. À la fois Castle reste ce monument de stoïcisme entièrement dévoué à sa guerre contre les criminels ; à la fois Ennis montre les traces de sentiments qui subsistent et les mécanismes psychologiques qui lui permettent de les contrecarrer. le moment où Castle réaffirme la distance qui existe entre lui et O'Brien est magnifique de sécheresse et de justesse.

Les illustrations sont réalisées par Leandro Fernandez qui avait déjà dessiné les tomes 2 et 5. Dans les aspects négatifs de ces illustrations, il y a le manque chronique de décors, avec charge au metteur en couleurs de combler les arrières plans. Les expressions des visages ne font pas non plus dans la nuance. Il y a également une scène peu crédible dans sa représentation : Zakharov immobile sous une grêle de balles.

Pour le reste, il réalise un travail qui sert bien le scénario d'Ennis, même si les dessins manquent un peu de caractère pour devenir percutants. Quand les balles s'enfoncent dans la chair, le sang gicle avec les tissus et ça n'a rien de séduisant ou de complaisant. Quand Rawlins se fait torturer par un russe qui le tient par les couilles, le sadisme illustre l'efficacité du soldat, sans pour autant tomber dans le voyeurisme ou la séduction. le face à face entre le Punisher et les hélicoptères de Zakharov dans les montagnes arides est magnifique grâce une mise en page simple et efficace. Les punitions létales administrées par le Punisher sont aussi horrifiques que satisfaisantes.

Ce tome marque un nouveau plateau dans la série car Garth Ennis commence à faire converger divers fils narratifs et il fait émerger les complexités psychologiques de Castle qui semblait jusqu'ici monolithique. Frank Castle devient enfin le personnage principal de la série, dépassant le rôle de catalyseur qui lui était jusqu'ici dévolu. Humain malgré tout, il poursuit sa mission dans "Le faiseur de veuves" (épisodes 43 à 49), le tome suivant.
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