Après sa mort, on a retrouvé, entre autres choses, un bloc-notes jaune sur lequel le médecin d'un hôpital psychiatrique lui avait demandé d'écrire cent fois "je vais bien". Elle a recopié ça plusieurs fois, puis a laissé tomber et écrit "je ne vais pas bien".
La vie est pleine de beauté imprévisible et de surprises étranges. Je me sens parfois démuni devant tant de beauté. Vous connaissez ce sentiment? Quand quelque chose est juste trop beau. Quand quelqu'un dit quelque chose, écrit quelque chose ou joue quelque chose qui vous émeut aux larmes, et même vous change à jamais.
Certaines nuits, alors que tant d'années ont passé, je repense à l'époque ou j'étais gamin. Quel bonheur, quand tout allait encore bien et que nous étions tous à la maison, mon père lisant le journal, Liz écoutant Neil Young en boucle dans sa chambre, ma mère prise de fou rire à propos d'un truc même pas drôle! Je me revois au milieu d'eux tous, et je suis submergé par la nostalgie; je donnerais n'importe quoi pour revivre une de ces soirées.
Les bruits de la ville m'arrivaient par la fenêtre ouverte et je pensais à ce quartier craignos et à tout ce que j'apprenais sur la vie et la mort. J'avais acquis une conscience aiguë du fait que j'étais en vie, que je respirais, et que ça n'allait pas durer toujours. Je me suis senti en veine tout d'un coup, je me suis levé, je suis allé dans le salon prendre la guitare électrique barytone appuyée sur la table basse, je l'ai branchée sur un ampli et j'ai commencé à gratouiller les cordes en chantant [...]
Je me sentais débordé par tous les concerts, par toute cette connerie de pression de vendeurs de disques avides de pognon, et surtout maintenant, par la maladie de ma mère.
La soi-disant culture alternative traînait derrière elle une réalité dégueulasse: ça n'avait rien d'une alternative. c'était à vendre, comme tout le reste. ça ne se rebellait contre rien. ça ressemblait à de la rébellion, ça sonnait comme de la rébellion, ça bougeait comme de la rébellion, mais en aucun cas ça n'en était, c'est certain.
J'étais sous le choc et je ne savais pas quoi faire. Je ne savais même pas vraiment quoi ressentir. Mon père venait de mourir , mais nous nous connaissions si peu. Et je me retrouvais seul avec lui à la maison, rien que nous deux. Sauf qu'il était mort.
Voilà comment ma vie a bifurqué dans un univers parallèle: tu te caches en toi-même dans le monde réel - qui ne pourra que te faire du mal et t'humilier - mais tu montes sur scène pour un show débordant de passion et de sensibilité, espèce de bâtard!