Une mort qui ne peut être arrêtée que par la luxure. Viens avec moi dans la voiture. Sur la banquette arrière. Les gens forniquent comme des porcs. Ils se battent et crient. Les voitures se balancent dans le brouillard. Des enfants sont conçus, des jeunes gens pleurent. Une fille de dix-sept ans couverte de vomi gît dans un fossé et appelle sa mère.
"Le lapin est dans le trou, marmonne Liam tout bas. Vas-y et tu le verras." Quand le gamin s'est approché sans bruit du trou, on le pousse. C'est faisable. Faisable. Faisable.
Alexandra offre des friandises. Des petits paquets noirs au goût de goudron. De la marchandise très haut de gamme. Un jour, Sofie en avait fait goûter une bonne dose au rottweiler d'un toxico. Le journal L'Expressen avait consacré deux pages à l'affaire, sans jamais préciser que le clébard avait essayé de baiser son maître tout en lui dévorant le visage.(p. 15)
« Iä ! Iä ! Le Bouc noir a mille enfants ! » Les filles se battent autour de Bidoche. Pour sa chair. La sainte offrande au Bouc de la forêt. Les filles d’Underryd. Ce sont les filles du Småland. Sussilull et Sussilo se nourrissent l’une l’autre de morceaux de viande crue et fumante. Les filles semblables à des pavots, des lys ou des pivoines. Ce sont des ménades hardcore, toutes autant qu’elles sont. Ce sont des gamines cannibales qui nourrissent un monstre sorti de l’abîme avec du foie chaud et fumant. Alexandra et Anna le lèvent ensemble vers le fouillis de bras. Le Messager tremble d’excitation et se penche de plus près. Il écrase la tourbe et les brindilles. Il prend appui sur du sol plus stable. Ses tentacules frénétiques font siffler l’air et cela pue la mort et le méthane. (« Les furies de Borås »)
C’était lundi dans le monde des humains. Des ondées balayaient la lande de Skanör. Pas un homme ne fit ne serait-ce qu’un pas vers la bruyère où était tapi le Voyageur. Presque aucun autre organisme vivant non plus. Quelques mouettes passèrent, virent leur congénère morte et piaillèrent un peu. Un faible avertissement. Surtout par précaution. Mais bientôt plus aucun oiseau ne se montra au-dessus de l’Ammerännan. Parce qu’il y avait quelque chose en bas. Dans la bruyère. Soudain, tous les oiseaux l’avaient su. Même quand la mouette morte fut recouverte de glace, ils se tinrent à l’écart. Ils savaient. (« Fragment VI »)
Les soldats tiennent à nouveau conseil auprès de Bjarne. Que va-t-on faire ? Le Norvégien paraît têtu et n’a-t-on pas déjà trouvé toute sa nourriture ? Son cochon et ses pitoyables poules ? Il doit y avoir davantage. Les paysans dissimulent des choses. Bon, qu’est-ce qu’on fait ? On discute de méthodes de torture, comme si on évoquait les semailles de printemps. Une demi-lune apparaît dans le ciel ; elle éclaire la neige et les visages blancs. Quatre gamins frigorifiés. Des Finlandais originaires de l’Ostrobotnie. L’aîné a vingt-et-un ans, le cadet, seize. Le Norvégien à terre pourrait être leur père à tous. Écrasons ses pouces avec le cran de sécurité du mousquet, suggère le plus jeune. Arrachons-lui les dents. Brûlons la maison, propose un autre. Où dormiras-tu si nous brûlons sa maison, crétin ? Allongeons-le sur le feu. (« Le vœu de l’homme brisé »)
La boîte de nuit d’Underryd se situe loin dans la forêt, au centre du triangle délimité par Värnamo, Borås et Jönköping. Dans un trou enténébré au nord du Småland. On a toujours dansé à Underryd. Depuis Dieu sait quand et même longtemps avant. D’abord sur des pierres moussues, puis au carrefour lui-même. À l’endroit précis où les routes menant aux trois villes se croisent. Au son des chalemies et des violons, puis de l’accordéon. On y a installé une piste de danse dans les années vingt et elle s’est graduellement étendue au fil des ans pour devenir un véritable parc. En plein milieu de la forêt. Dans les années quatre-vingt, les fêtes ont été transférées dans une grange. Un édifice imposant que quelqu’un a eu la drôle d’idée de peindre en mauve. Puis on l’a agrandi pour en faire une boîte de nuit avec cinq bars, trois pistes et une pizzeria. On a construit un parking digne d’un hypermarché et on a veillé à faire venir les meilleurs groupes. Thorleif pour maman et papa, Jerry Williams pour les fans des fifties. Du freestyle, Pontus et les Américains ou Petter pour les jeunes. Ça rocke à Underryd. Tous les habitants de la ville travaillent pour la boîte de nuit. (« Les furies de Borås »)