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Critique de Jazzbari


Ce roman est un chant épique. Il s'inscrit dans la liste des oeuvres africaines qui plongent dans l'histoire des peuples du contient jusqu'à leurs origines mythiques. Si Djibril Tamsir Niane, dans sa célèbre épopée, met à l'honneur le peuple manding, Aminata Sow Fall chante le Foutadjallon. Et c'est au griot, thaumaturge du verbe, qu'incombe l'imposante charge de perpétuer et de rendre toujours vivante l'âme de ce dernier. Pour autant Naarou est une griotte pas comme les autres.

Consciente que cette fonction a perdu nombre de ses lettres de noblesse et que l'on ne peut plus en vivre, Naarou se reconvertit en griotte au goût du jour. Elle allie alors affaires commerciales et prestations artistiques lors des grandes rencontres. Elle chante l'histoire du Foutadjallon truffée de mythes et de légendes. Une manière de joindre l'utile à l'agréable, de marier le passé légendaire au présent bouillonnant de la vie citadine. Toutefois le point d'orgue de cette consécration du passé a lieu annuellement au village de Babyselli en l'honneur du jujubier du patriarche, emblème éternel de ce territoire mythique peul.

À travers le parcours de ce personnage charismatique et de ses proches, l'auteure dénonce plusieurs stéréotypes dont souffrent les femmes notamment la stérilité censée être uniquement féminine. Ou encore le divorce qui charrie toujours honte et humiliation chez la famille de la femme. Elle dénonce aussi la balkanisation de cette nouvelle société post-indépendance en deux classes qui se supportent difficilement : les descendants des anciens nobles et ceux des anciens esclaves. Néanmoins si Tacko a une dent contre Naarou, sa fille adoptive, c'est davantage à cause de son épanouissement matériel que de son extraction sociale. Comme pour dire qu'elle accepte avec grand-peine cette ironie de l'histoire qui propulse les anciens dominés au-dessus des anciens dominants.

En explorant le récit au second degré, on pourrait dire qu'il est le contrepied du Baobab fou de Ken Bugul. En effet si Ken Bugul, le personnage, s'acharne à écarter son identité d'un revers de main et s'occidentaliser jusqu'au trognon, Naarou assume à la fois ses racines tout en s'ouvrant aux valeurs occidentales.

Dans la fluidité d'une écriture au style minimaliste, l'auteure joue avec le lecteur comme avec les temps. Passé simple, présent et futur simple se panachent harmonieusement tout comme poésie et prose qui composent le récit. Saupoudrée de termes africains, la langue d'Aminata Sow Fall est authentique et ancrée dans la vie locale.
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