AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de pierreglenat


Théo Ou les chemins du désir - éditions ExAequo, Collection Blanche

Animateur sur le site « Rencontres au septième ciel », Théo, jeune provincial monté à Paris pour étudier les lettres, s'invente plusieurs vies :

Florian, un étudiant qui pourrait être son alter-égo, Arthur homme mature et… Théa ?

Les désirs, les différences, l'identité et le genre ou son ambiguïté sont les jalons, les signaux qui révèlent, peu à peu, l'anima qu'est en train de se façonner Théo.

Théo deviendrait-il comme cet hippocampe, ce petit poisson à nageoires rayonnées qui porte en lui les oeufs dont il accouchera, en semant les germes de sa nouvelle identité ?

La durée de vie de l'hippocampe varie de 2 à 4 ans :
la mue rapide de Théo aura-t-elle le temps de s'effectuer en un laps de temps si court ?

Mais retour sur image : c'est Chris, la voisine américaine délurée qui initie le jeune Rastignac aux plaisirs interdits et l'entraîne dans le glissement progressif des désirs…

Alors Théo / Théa – déjà cette dichotomie insupportable de l'être ou du néant ?

Son parcours de vie : cette chambre de 12 mètres carrés sous les toits – une rue du Quartier Latin qui débouche sur la majestueuse Sorbonne, Carrefour d'histoire et de rêves !

Pour plus tard devenir Prof ? Rien n'est moins sûr !

Une bourse d'étudiant, des petits boulots – serveur / ouvreur – pas assez payé alors chercher autre chose de plus lucratif tout en s'amusant :

C'est là que Chris entre en scène : elle connaît déjà le site et y officie, lui en explique les rituels – faire écrire les clients le plus longtemps possible, échanges tarifés puis les laisser tomber avant que ça devienne ingérable – si c'est pas du cynisme ça y a ressemble fortement.

Mais voilà, c'est quand même beaucoup mieux payé qu'apporter des cocas ou des cafés aux clients du Boulevard Saint-Michel pour des pourboires hypothétiques !

Chris sera donc sa marraine. Puis se créer un personnage – un avatar - mais surtout, c'est la grande règle, au final on ne se rencontre pas !
Alors la pulsion jaillit, comme un cri de l'inconscient :

« Je m'appelle Théa… je vends de la lingerie – peut-on faire connaissance ? »

Heureusement, zone grise, Théo-Théa peut choisir ses correspondants, Ouf !!!

Rodolphe, éditeur parisien, sera son premier client ; il rêve d'élégance et de délicatesse : il est à la bonne adresse…

Déjà l'identité de Théo subit ses premières variations, les premiers émois, soulève le couvercle du coffre de Pandore dont s'échappent les désirs inavouables, issus du fin fond du ça, domicile ultime de nos pulsions.

Pour diversifier-élargir sa clientèle Théo-Théa se crée aussi des profils masculins : Arthur pharmacien la cinquantaine – Florian étudiant en lettres de 22 ans.

Trois profils : 3 fois plus de chance de gagner de l'argent, sa motivation initiale ; 4 heures par jour, 30 jours par mois, total = 1 200 euros, Whouah !!!

Et puis Rodolphe – Roddy pour les intimes – et Théa :
la romance démarre sur les chapeaux de roues !

Heureusement il y a un refuge (le refuge ?) c'est Ange-Lise, sa Grand-Tante institutrice à la retraite, elle vit en banlieue. Elle sait écouter, et va beaucoup mieux le comprendre que ses parents. Très vite Ange-Lise va devenir sa confidente, lui donne des conseils pour ses clients.

C'est elle qui lui fait ce joli présent : un porte-clés composé d'un anneau et de deux hippocampes, tiens le revoilà ce petit cheval aquatique ! Ange-Lise lui glisse un petit mot dont il retient le mantra :

« Il naît transparent et se colore avec la maturité » qui sonne comme une initiation pour le jeune étudiant : il en fera un programme de vie !
Ou quand Ange-Lise devient son ange gardien…

Les clients, les états d'âme, la variation des désirs, progressivement l'auteure nous emporte dans un univers dont il est bien difficile de discerner le réel du fantasmé, tant l'onirisme parvient à supplanter graduellement nos repères sensoriels habituels.

Il nous faudra changer de paradigme et accepter le mélange des genres, leur ambiguïté, leur caractère insaisissable et fusionnel. Et d'ailleurs ce Julien devenu l'un de ses clients fidèles lui parle de « féminisation » …

Cette porte d'entrée vers une autre identité est si troublante pour Théo-Théa : la franchirait-il aussi, comme Julien semble le lui suggérer… Ou bien est-ce Julien qui se rêve en Julia ?

Tant de questions qui resteront pour le moment sans réponse et acceptons de garder provisoirement le mystère, tant que vous n'aurez pris la décision de lire ce singulier opus qui changera à coup sûr votre perception de l'identité ;

Ce mélange des genres, des Yin & Yang fusionnés comme sur cette lame du Tarot initiatique de Marseille, « Le Monde ».

Revenons vers le talent de Dominique Faure :

Son art est de procéder par de subtiles variations, des glissements progressifs, comme si imperceptiblement au fil des pages l'horizon se métamorphosait en une nouvelle réalité ;

son raffinement, sa délicatesse, son esthétisme perlent à chaque seconde le récit ;

Cette histoire « Théo Ou les chemins du désir » semble sortie de l'écrin de nos rêves les plus doux-les plus fous, émanation d'un paradis intérieur où la sensibilité aurait remporté la victoire face à la force brutale ;

Comme si le féminin avait domestiqué le masculin dans une danse érotique fusionnelle, le temps suspendu, une métaphore du paradis…

Enjoy !
Lien : https://editions-exaequo.com..
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}