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Critique de Bill_Veuzay


Ce dernier volet ferme une saga pour le moins inégale. Si l'on pouvait trouver à redire des deux premiers épisodes (Magicien, tomes 1 et 2), il faut au moins leur reconnaître une capacité certaine à accrocher le lecteur et à l'entraîner au fil des pages, alors que j'ai trouvé la progression beaucoup plus fastidieuse dans les deux derniers.
[Attention, cette critique comporte des extraits ; pour ceux qui voudraient tout avoir à découvrir, passez directement au dernier paragraphe ;-) ]

En vrac et dans le désordre :

Les créatures moins fantastiques qu'ubuesques sont moins présentes que dans Silverthorn (bien), mais il y en a quand même (pas bien) : "des singes avec des têtes d'aigles, des félins avec des carapaces de tortue, des serpents avec des bras et des jambes, des hommes avec des bras supplémentaires : toute une armée d'horreurs se ruait sur eux". Des "horreurs" ? Plutôt enfantin comme "horreurs" -quoique les enfants sont parfois plus imaginatifs que cela.

"Les bêtes [...] ressemblaient à des tigres, mais avec des corps d'hommes. Leur tête était orange striée de noir, tout comme leurs bras et leurs jambes. (...)" . Encore une fois, c'est à la fois trop fantastique et manquant cruellement d'imagination. Tout au long des descriptions, nombreuses dans le récit, on trouvera des "ressemblant à... mais...", "semblable à des", "des sortes de". L'auteur ne parvient pas se dégager totalement de la réalité et, pour ses créatures imaginaires, il a tendance à se contenter de mixer ensemble celles que l'on trouve par chez nous. L'effet est, pour moi, trop fantaisiste pour être crédible -et donc accrocheur.

Et puis, pourquoi cette grossièreté ? Apparue comme par surprise dans le tome précédent, elle est, cette fois, beaucoup plus présente. Petit florilège : "bâtard de putain de salope" (à la cinquième page, ça met tout de suite dans le bain), "fouteur de truies arrogant", "fils impuissant de rat merdeux", "fils de pute vérolée", "tire-jus", "Sa Majesté l'Enculeur de Porcs", "bouffeur de purin", et d'autres encore... Certes, on entend ces insultes principalement de la bouche d'un personnage bien particulier, il pourrait donc s'agir d'un trait de sa personnalité, mais comme celui-ci ne se révèle pas tout de suite, j'ai eu le temps de m'attacher à ce personnage dans le deuxième épisode et il m'aurait toujours plu en Capitaine Haddock déluré par la suite... si ça n'avait pas été si vulgaire. Déception, donc, de voir ces personnages auxquels je m'étais réellement intéressée dans le deuxième tome, devenir des clichés de superproduction de ciné américain.

Les dialogues sont toujours aussi stéréotypés : "Écoute, p'tit gars, j'ai pas le temps d'être tendre avec toi. Alors tu vas répondre maintenant ou on va te ramener à l'auberge en petits morceaux." ...Et toujours aussi mièvres : "Martin finit par prendre la parole :
- Je dois y aller bientôt. Il me faut rejoindre les autres à la porte du tunnel dans les collines.
- Martin, murmura-t-elle.
- Quoi ?
- Je voulais juste prononcer ton nom. (Elle regarda son visage.) Martin.
Il l'embrassa et sentit le goût salé des larmes sur ses lèvres. (...)"
Ou encore : "Un magicien sans magie, c'était comme un oiseau sans ailes." Ou un plateau de fromage sans Pavé d'Affinois, tant qu'on y est. Bref, le sentimental, ce n'est pas le fort de Raymond Feist.

Autre regret, le lyrisme affligeant avec lequel l'auteur décrit les décors (tous plus magnifiques les uns que les autres d'ailleurs) : "Des fontaines tarabiscotées crachaient des jets d'argent liquide qui se changeaient en gouttes de cristal, lesquelles emplissaient l'air d'une musique tintinnabulante en s'écrasant sur les dalles de la fontaines où elles se liquéfiaient de nouveau avant de s'écouler dans les drains. (...) La voie était entièrement dallée de pierres qui luisaient de couleurs pastel, chacune d'une teinte très légèrement différente de l'autre, ce qui donnait de loin l'impression d'un arc-en-ciel. Au passage du dragon, les dalles scintillèrent de mille couleurs changeantes. Une musique s'éleva, majestueuse, évoquant la nostalgie des vertes vallées de montagne où serpentent des ruisseaux brillant sous les pastels du soleil couchant. (...) de minuscules pétales de fleurs scintillant de blanc et d'or, de rose et de vermillon, de vert et de bleu pastel tombèrent tout autour d'eux en une douce pluie caressante et parfumée aux senteurs de fleurs sauvages (...)".

Enfin, mon dernier reproche sera pour le dénouement. Au-delà de son caractère prévisible, l'auteur s'en tire avec des explications à la fois obscures et tirées par les cheveux. Heureusement qu'il y a la magie ! Mais c'est trop facile : on ferme les yeux, on se touche les mains et hop, on revient des milliards d'années en arrière. Les magiciens enchaînent les sortilèges divers et variés, mais jamais ils ne sont décrits, pas l'ombre d'une formule ; on n'en voit que les effets (qui sont toujours ceux attendus et à l'avantage de nos héros d'ailleurs). Moi j'appelle plutôt ça de la prestidigitation.

Pour conclure cette longue, très longue (trop longue ?) critique, je dirais que d'une manière générale, la série se laisse lire mais est inégale en qualité. J'ai préféré les deux premiers tomes dont les quelques reproches que j'ai trouvé à faire ne m'ont pas empêchée de les dévorer. Les deux suivants sont surfaits. l'auteur nous noie dans les effets spéciaux et les descriptifs de décors à profusion mais, dans le fond, il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent. Divertissant mais très décevant...
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