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Critique de viou1108_aka_voyagesaufildespages


♫"Au plus sauvage, où renoncent les fauves
Dans les grands marécages où les humains pataugent
Au bout du mal, où tous les dieux nous quittent
Et nous abandonnent
Dans ces boues noires où même les diables hésitent
A genoux pardonnent
Juste quelques hommes
Quelques hommes justes"♫

Ce couplet de Jean-Jacques Goldman s'applique presque parfaitement à Zulu. Après l'apartheid et avant la Coupe du Monde de 2010, l'Afrique du Sud et Capetown en particulier pataugent dans les boues putrides de la violence, de la drogue, du racisme et du sida. Plongés au bout du mal, dans un noir absolu, il reste bien quelques hommes justes, ou en tout cas qui croient encore un peu à la justice. Par contre, ils ne sont pas du genre à pardonner, le mot a été rayé de leur dictionnaire, et de toute façon, la rédemption n'est plus de ce monde. Trois "justes", donc, trois flics intègres et écorchés vifs par la vie, deux Blancs, un Noir. Brian Epkeen, borderline, coureur de jupons, en grosse difficulté de communication avec son fils de 20 ans, qui n'a de considération que pour le portefeuille de son père. Dan Fletcher, le jeunot fragile, éperdument amoureux de sa femme qui se bat contre un cancer. Et Ali Neuman, chef de la criminelle du Cap, gabarit d'armoire à glace et sur le fil du rasoir depuis l'enfance (qui n'en a que le nom), lors de laquelle il a vu son père, partisan de l'ANC encore clandestin, et son frère aîné se faire torturer et massacrer par des miliciens de l'Inkatha. Maîtrisant tant bien que mal leurs démons, les trois gaillards enquêtent aujourd'hui sur les meurtres de deux jeunes filles de la bonne vieille riche société blanche, assassinées sauvagement alors qu'elles étaient sous l'emprise d'une drogue de synthèse encore inconnue des labos de la police. L'enquête démarre classiquement, avec deux mondes qui se télescopent : Noirs-pauvreté-violence vs Blancs-fric-arrogance-oisiveté. En dépit de puissants relents de discriminations raciales, il existe un lien entre les deux : la drogue. Malgré la pression médiatique et la corruption, l'enquête va son train à peu près calmement, jusqu'à la scène sur la plage. Là, les yeux grand écarquillés, la bouche bée, je ne voulais pas croire à ce que je lisais, ça ne pouvait pas réellement se produire. Une scène à la limite du soutenable qui m'a laissée tétanisée. La lecture (le combat) saute alors dans une autre catégorie, celle où tous les coups sont permis, avec cruauté hors normes et sans espoir de retour.

On ne ressort pas indemne de cette histoire ultra-violente, d'autant plus qu'on s'attache à ces personnages tourmentés et qu'on souffre de les voir affronter les pires horreurs. Si l'enquête est bien construite, bien amenée (peut-être un peu complexe), le roman vaut surtout, d'après moi, pour le portrait historico-sociologico-ethnique qu'il dresse de l'Afrique du Sud et de la misère dantesque de ses townships. Noir, authentique, sans complaisance ni concessions à l'optimisme, ce roman est un coup de génie autant qu'un coup de poing (ou un coup de tout ce que vous voulez, du moment que ça fait mal). Impeccablement écrit et documenté, malheureusement très réaliste, on se prend à espérer de tout coeur que la situation s'est un peu améliorée depuis lors...
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