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Critique de keisha


keisha
26 décembre 2012
Après une jeunesse et des études menées parfois de façon fantaisiste, Patrick Leigh Fermor connaît une inspiration subite :

"Changer de cadre; abandonner Londres et l'Angleterre et traverser l'Europe comme un clochard - ou, selon une de mes formules typiques, comme un pèlerin ou un moine itinérant, un goliard, un chevalier désespéré(...)? Voilà que ce n'était pas seulement évident, mais bien la seule chose à faire. Je voyagerais à pied, dormirais dans les meules en été, m'abriterais dans les granges quand il pleuvrait ou neigerait et ne fréquenterais que les paysans ou les clochards."

Nous sommes en décembre 1933, il a 19 ans, et il part sans attendre... Objectif : Constantinople, en prenant Rhin et Danube comme axes du voyage. A pied bien sûr, parfois en péniche, charrette, rarement en automobile, pour sortir d'une ville. Bénéficiant souvent de l'hospitalité villageoise ou d'amis d'amis. Devant gagner son pain à un certain moment.
Ce volume oblige à abandonner (ô combien à regret!) l'auteur au moment d'entrer en Hongrie, cet "A suivre" fait mal, mais permet d'augurer de superbes moments encore. le tome 2 existe en français, et quant à la fin du voyage, elle n'est pas encore traduite, mais ça vient!!! (The Broken Road (to appear 2013), edited by Artemis Cooper from PLF's unfinished manuscript of the third volume of his account of his walk across Europe in the 1930s)

Pourquoi suis-je tombée sous le charme de ce qui pourrait être un n-ième récit de voyage? D'abord il ne raconte pas tout, et il s'appuie sur ses carnets de voyage et sa mémoire pour faire oeuvre littéraire. Les faits saillants sont relatés, il raconte ce qu'il veut bien de l'histoire ou la géographie des coins traversés, il ne s'occupe pas vraiment de l'actualité (quand même, il traverse l'Allemagne en 1933, mais peu de grandes villes)

Ensuite, la personnalité de l'auteur, à l'humour et l'érudition discrète. Comme il écrit des années plus tard, il peut donner un autre éclairage, mais sans jouer les "je l'avais deviné". Il combattra en Crète dans les années 40, et pour donner une idée du personnage: (il se trouve avec des résistants crétois et un officier allemand prisonnier)

Au cours d'une accalmie dans la poursuite, nous nous éveillâmes au moment précis où l'aurore brillante frappait la crête du mont Ida. Nous l'arpentions, dans la neige et la pluie, depuis deux jours; Les yeux fixés sur ce sommet étincelant de l'autre côté de la vallée, le général murmura pour lui-même:

Vides ut alta stet nive candidum

Soracte...

(une ode d'Horace)

C'était l'une de celles que je connaissais!Je poursuivis les vers où il s'était interrompu:

... nec jam sustineant onus

Silvae laborantes, geluque

Flumina constiterint acuto

(...)

Les yeux bleus du général s'étaient détournés du sommet de la montagne pour se poser sur les miens. (...) C'était très étrange; comme si, pour un long moment, la guerre avait cessé d'exister. Nous avions tous deux bu aux même sources longtemps auparavant; et tout fut différent entre nous pendant les heures et les jours qui nous restaient à passer ensemble."

Et finalement (?) des passages fabuleusement bien décrits. Tel par exemple l'abbaye de Melk, où musique et architecture se répondent. Passage trop long à reproduire. Ce livre est désespérant, comment tout citer?

"Voyages et peinture ont beaucoup en commun, surtout ce genre de voyage." L'Europe rurale sous la neige est brueghelienne.

"Le paysage silencieux, étouffé, formait l'arrière -plan des Chasseurs dans la neige de Brueghel"

Rencontres plaisantes et digressions passionnantes font aussi le sel de ce récit que j'ai dévoré trop vite hélas.
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
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